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sa descendance du Prophète Mohammed, Sa Majesté chérifienne jouit d’un prestige réel parmi les musulmans du nord de l’Afrique. Terre sainte où les confréries religieuses ont poussé leurs racines les plus vivaces, le Maroc nous intéresse ainsi et au plus haut titre, car notre domaine s’étend du Soudan aux côtes barbaresques. N’a-t-on pas déjà et excellemment dit que les populations musulmanes sont ce que devaient être les peuples chrétiens du moyen âge alors qu’une même communauté de sentimens et d’idées les rendait solidaires? Pour ces raisons autant que pour la sécurité de sa colonie algérienne, la France fait donc œuvre de prudence en suivant avec vigilance les choses du Maroc, car d’autres puissances européennes s’efforcent d’y jouer un rôle d’autant plus accusé que leurs intérêts y sont moindres et que de ce fait, leurs légations n’y ont pas une immédiate responsabilité.

De cet exposé, ressort le rôle de notre diplomatie. Sur ce terrain que l’on est convenu d’appeler la question du Maroc, véritable question d’Occident, où la gravité des intérêts est extrême, il nous faut faire prévaloir notre influence en dépit des jalousies et des intrigues qui s’agitent autour du chérif et préparer également les voies de l’avenir sans compromettre l’état de choses actuel, si défectueux soit-il dans le pays voisin de l’Algérie.

C’est ainsi que l’on sentira l’importance de la convention de Lalla Mar’nia puisque, ayant voulu fixer notre frontière algérienne de l’ouest, elle régit nos rapports de voisinage et que par là elle influence directement nos relations avec la cour marocaine.

Signée le 18 mars 18 45, elle est depuis cette date déjà lointaine, de la part de nos autorités algériennes, l’objet d’incessantes réclamations et des commentaires les plus fâcheux. Commandans de cercles, généraux, gouverneurs militaires, gouverneurs civils, chacun a comme lancé sa pierre contre cet instrument diplomatique. Méritait-il une telle hostilité, si violente, si unanime? C’est précisément ce que nous nous proposons d’étudier.


I

Deux victoires éclatantes, Isly, Mogador, avaient contraint la cour de Fez à signer la paix. Nous avions hâte de traiter, comme on le verra plus loin : les circonstances nous y obligeaient. De là,