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un parvis d’église, au matin du dimanche des Rameaux. Çà et là, une tête se retourne, — comme pour un regret; des yeux se regardent, — comme pour un secret; un front se penche, — comme pour un problème; des bouches se sourient, — comme pour un baiser. Quelques yeux, sous ces fronts, regardent plus loin que le cadre, plus loin que les salles, plus loin que la maison, plus loin peut-être que la vie. Elles jasent et elles jouent. Sans doute, ce sont de frêles musiques, ce sont de simples vêtemens, c’est une étroite demeure. Mais la grâce est dans les gestes légers, le calme est sous les fronts lourds. Et, tout au haut de la toile, des colombes se sont un instant posées sur les tuiles pour faire envier au ciel ce joli coin de terre, ou prêtes à porter aux destinées ambitieuses ballottées sur les brisans du monde la branche d’olivier cueillie ici. Car ici toutes les ambitions s’apaisent, tous les cris expirent, et, au lieu de grimper vers la Chimère, on descend simplement et joyeusement les échelons des conditions sociales, on descend les degrés de la Fortune, les marches de l’Escalier d’Or...


Lorsque les temps seront venus de la vie ruskinienne, l’Humanité tout entière, au lieu de monter à l’assaut de la richesse, descendra l’Escalier d’Or. Tout s’organisera pour la paix et pour la beauté. Les rails des chemins de fer seront enfouis dans les champs ; les débris des gares, épars comme les vestiges des anciens camps romains et la dernière locomotive, montrée dans quelque musée à côté du carrosse que Louis XIV faillit attendre. Aucune cheminée d’usine ne fumera plus dans le ciel. Ce qui se fait aujourd’hui par la vapeur se fera par les bras de l’homme et ainsi l’on n’entendra plus parler de travail effectué par des machines, sans ouvriers, ni d’ouvriers sans travail. On n’entendra plus grincer et cliqueter dans les champs les faucheuses mécaniques, vraies dévoreuses du salaire de l’ouvrier agricole, mais on verra, aux mains robustes des travailleurs, les faux courbes jeter, en se tournant au soleil, de bleus éclairs. On ne fera plus cette inconséquence d’inventer chaque jour des machines qui remplacent les bras et de se lamenter chaque lendemain sur le nombre des bras inoccupés. On ne fondra plus le fer en des moules toujours semblables : on le forgera. Certaines choses seront faites moins vite, mais elles seront mieux faites. On n’achètera plus son beurre à des gens qu’on n’a jamais vus, et qui vous l’expédient de trois ou quatre cents kilomètres. L’acheteur connaîtra