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vastes surfaces qu’un riche consacrait à sa demeure. Ils y taillaient des cours d’honneur et de service, et n’éprouvaient nulle gêne à rejeter dans ces dernières tout ce qui pouvait occasionner des bruits ou déplaire aux yeux, écuries, buanderies ou offices. A côté des galeries de parade ils ménageaient des pièces « de commodité », boudoirs ou cabinets de livres ; mais ils restaient paralysés lorsqu’il s’agissait d’édifier une simple maison de louage.

M. Lesoufaché a été le premier, vers la fin du règne de Louis-Philippe, à combiner des plans capables de donner, dans un espace restreint, satisfaction au désir de bien-être ressenti par la classe moyenne. Il sut grouper symétriquement les salons, la salle à manger, les chambres, les isoler par des dégagemens, et les rattacher aux pièces de service par l’antichambre, occupant le point central de cet ensemble. Les architectes, lancés dès lors dans cette voie de l’agencement intérieur, ont, depuis trente ans, réalisé des prodiges pour faire tenir de grands appartemens dans de petits terrains, pour les éclairer beaucoup avec peu de jour. Les rues d’autrefois étaient trop resserrées pour donner aux riverains une lumière convenable. Qui voulait de la clarté devait se la fournir à ses frais, aussi bien sur le devant que sur le derrière de son logis. C’est pourquoi l’on construisait « entre cour et jardin ». Aujourd’hui l’on bâtit entre rue et cour; les façades jouissent de la clarté publique, dont la ville moderne régale ses habitans; la clarté privée que les propriétaires vendent à leurs locataires, à l’intérieur de l’immeuble, laisse souvent à désirer parce qu’on a exagérément réduit la superficie des cours.

Le calcul était défectueux. M. Stanislas Ferrand, le très compétent directeur du journal le Bâtiment, a démontré par des exemples topiques qu’un appartement bien éclairé se loue plus cher qu’un appartement un peu obscur, lors même que le premier est sensiblement plus petit que le second. C’est ce qui fait le succès des bandes de terre « en placard », le long des rues, sur une profondeur insignifiante; elles se prêtent à l’édification de « maisons-armoires » d’une admirable facilité de location.

Le service de la voirie, sans l’autorisation duquel aucun immeuble ne peut s’élever à Paris, exige, au nom de l’hygiène, une proportion de cours plus grande par rapport au sol bâti, que celle dont on se contentait il y a vingt-cinq ans. Il n’est plus permis de réserver moins de 40 mètres carrés à la cour d’une