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n’existaient pas, et l’eau, que les fils de l’Auvergne montaient péniblement le matin sur leur épaule, à raison de 10 centimes « la voie » — soit au prix de 5 francs le mètre cube — était trop précieuse pour qu’un ménage raisonnable consentît à la prodiguer. La pénurie d’eau ne paraît pas au reste avoir été ressentie par les générations précédentes. Depuis la chute des civilisations grecque et romaine, où les bains tenaient la place importante que l’on sait, même depuis le moyen âge où les étuves publiques étaient nombreuses, la propreté corporelle avait été en diminuant Il semble qu’on se lavait plus sous Philippe-Auguste que sous Louis XIV.

Versailles, dans toute sa splendeur, lorsqu’il possédait exactement 274 chaises percées en plein service, n’eut jamais qu’une salle de bain honoraire, située à l’angle de la façade sur le parc, du côté de la chapelle. Une vasque gigantesque, en marbre du Languedoc, y avait été placée ; personne jamais n’eut l’idée de s’y plonger et Mme de Montespan, ayant fait judicieusement observer au grand roi que ce meuble n’avait aucune raison d’être, s’en fit gratifier pour servir de bassin, dans sa propriété de l’ « Ermitage », au milieu d’une pelouse, où elle est encore. Les établissemens des « baigneurs » de cette époque avaient, à Paris, un rôle beaucoup moins innocent que leur enseigne ne le ferait supposer : on y trouvait, sur les bords de la rivière, des distractions de divers genre et le sobriquet pittoresque d’« huissiers de la Samaritaine » désignait cette catégorie d’individus que nos tribunaux appellent prosaïquement des souteneurs.

Une gazette humoristique d’il y a deux cent cinquante ans se divertissait de l’entreprise, amusante à ses yeux par excès d’invraisemblance, d’un [[soi-disant ingénieur qui avait installé un moulin à vent au haut d’une maison, en l’île Notre-Dame, pour fournir aux bourgeois un muid d’eau (268 litres) par jour. » Sa machine finie, il n’ose, dit le nouvelliste, la faire tourner, parce qu’elle ébranle tout l’immeuble «et l’on doit recourir comme auparavant à la porteuse d’eau. » Le rêve de cet inventeur est aujourd’hui une réalité; mais la quantité de liquide qui envahit et escalade nos constructions modernes, où elle jaillit par mille orifices, ne suffit pas encore.

Ce n’est pas assez que les cabinets, nommés « inodores » lorsqu’ils ne l’étaient pas, le soient en effet devenus. L’accoutumance qui opère des miracles, avait d’ailleurs oblitéré les nerfs olfactifs