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que les nôtres, sans exiger un plus grand effort de la part de l’ouvrier.

A Paris, le bon marché de cette matière permet de s’en servir, à l’état brut, sans y regarder et sans trop se préoccuper, pour le dégrossissement préliminaire, des impuretés qu’elle peut contenir. Cette insouciance donna lieu un jour à une assez curieuse mésaventure : un charretier à moitié ivre, tout en vidant les sacs dont il était porteur, versa en même temps parmi les tas de plâtre le contenu de la « musette » d’avoine destinée à ses chevaux. Les maçons, n’attachant aucune importance à ces céréales mélangées au plâtre, le gâchèrent et retendirent comme d’habitude; puis ils recouvrirent cette première épaisseur, suivant l’usage, d’un enduit « au sas », c’est-à-dire passé sur une fine toile métallique ou à travers un tamis de soie. L’entrepreneur, après être venu inspecter le travail achevé, commanda d’ouvrir les fenêtres, de fermer les portes et de laisser sécher durant trois semaines. Lorsqu’il revint, la chaleur du plâtre avait fait germer les graines ; l’avoine sollicitée par cet excellent engrais poussait avec vigueur, le plafond n’était plus qu’un champ de verdure.

Montmartre fournissait autrefois un plâtre brillant et feuilleté, dit « miroir d’âne » ; c’est maintenant d’Argenteuil que vient la plupart de celui qui entre dans nos constructions. Sa cuisson se faisait naguère au bois, en superposant des lits alternés de gypse et de brindilles de fagots, et en calfeutrant le tout sous une voûte pareillement formée de sulfate de chaux. Il était expédié, dès sa sortie du four, aux chantiers où les garçons le remaniaient à la pelle et écrasaient les gros morceaux — la « mouchette » — avec une lourde batte ; ce qui les obligeait à avaler de la poussière à pleins poumons. « Battre comme plâtre » est désormais une comparaison dénuée de vérité ; la « batte » n’existe plus davantage ; seul Arlequin, sur la scène, s’en sert. Le plâtre, cuit au pétrole et au charbon de terre, est écrasé à la machine et arrive de la carrière criblé « au panier », prêt à s’étaler sous la truelle, à obéir aux minutieux petits outils, règles, ciseaux et gouges, dont chaque maçon préposé aux moulures possède sa boîte toute pleine.

Les appareils mécaniques auraient, paraît-il, l’inconvénient de broyer indistinctement les morceaux de gypse, bien ou mal cuits ; tandis que ces derniers, ne pouvant être pulvérisés précédemment par la main de l’homme, étaient rejetés. Or il ne suffit pas que cette poudre blanche soit délayée avec plus ou moins