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de la myrrhe ne se fait qu’à l’heure du baptême, ou, sur le front du souverain, lors du couronnement. La minutieuse préparation de la liqueur a duré trois jours ; l’huile, le vin blanc, les essences de rose, de benjoin, de violette, de bergamote, d’iris, de lavande, qui la composent figurent en elle les dons infinis de l’Esprit saint.

Le lavement des pieds se fait en commémoration de la Cène ; l’archevêque, représentant Jésus, s’avance vers douze prêtres assis qui représentent les disciples ; le diacre, cependant, commande à voix haute : « Dépose tes ornemens. —Verse l’eau dans la cuvette. — Approche-toi de Simon-Pierre… » La naïve cérémonie est au demeurant celle qui se célèbre le même jour à Notre-Dame ; le mieux, pour voir du nouveau, sera d’attendre la fin de l’office et d’entrer à l’heure du silence dans l’église neuve de Saint-Vladimir.

Elle est debout pour représenter dans Kief l’idée d’une orthodoxie moderne devenant source d’un progrès lent et systématique, en même temps qu’elle demeurerait l’arche des croyances anciennes. La construction du monument avait traîné cinquante années ; mais, grâce à l’intervention personnelle de l’Empereur, la décoration entière s’acheva du vivant d’Alexandre III ; le temple est ainsi la caractéristique de tout un règne et comme le testament religieux du dernier souverain.

La circonstance même qui appelait l’œuvre à la vie en accroissait l’intérêt, en garantissait la beauté, et c’était vraiment une tâche hardie et nouvelle que celle à laquelle l’art russe se trouvait convié : de faire déboucher en pleine vie les formes hiératiques de la peinture religieuse traditionnelle. Or deux écoles iconographiques sont en présence : l’une byzantine, symbolique, ascétique ; l’autre italienne, réaliste, profane. Ces deux formules répondant à deux tendances d’esprit à jamais distinctes, partout vivaces, elles devaient diviser les imagiers de Saint-Vladimir, et c’est en effet avec justesse qu’on nommerait Vasnetzof et Nestérof des Byzantins, Svédomski et Katorbinski des Italiens. Ceux-là introduisant dans une tradition tout abstraite et liturgique un esprit de vie qui la ranimerait, ceux-ci acceptant pour leur composition la règle d’une simplicité sévère, l’accord final des manières était promis d’avance. Une étroite et sympathique collaboration présidait à la composition des œuvres, puis l’ornementation venait les nouer ensemble d’un lien souple*, ingénieux, charmant.

Mais l’inégalité des talens subsiste après la conciliation des