Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 140.djvu/646

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces projets furent soumis aux représentans de la noblesse ; mais, entre temps, l’assemblée des députés du pays avait cessé d’exister. Elle avait cédé la place à une assemblée nouvelle, et assez semblable, qui portait le nom plus pompeux de représentation nationale. Celle-ci parut accepter d’abord le compromis avantageux que lui présentait le gouvernement. Mais, au dernier moment, l’aristocratie poussa plus loin ses prétentions et ses succès. Elle admettait volontiers la part du compromis qui lui était avantageuse : la limitation de l’édit aux gros tenanciers ; quant à l’attribution immédiate et sans délai de la propriété, la concession lui parut encore au dernier moment excessive. Il n’y avait pas péril en la demeure ; l’édit s’exécutait avec lenteur. L’opposition oligarchique obtint du personnel réactionnaire qui formait une partie de l’entourage de Hardenberg, notamment du ministre de la justice, que tout fût ajourné.

D’ailleurs, la diplomatie et la situation extérieure de l’Europe absorbaient de plus en plus le chancelier qui prêtait à la réforme agraire une attention plus intermittente et plus distraite que jamais.

La guerre d’indépendance interrompit sans y mettre un terme l’œuvre de la réforme agraire. En 1812 encore, de ce côté, tout demeurait en suspens. On pouvait bien mesurer les amputations qu’avait subies le programme primitif du chancelier. L’oligarchie foncière, engagée dans une lutte ardente contre le parti des réformes, pouvait enregistrer plus d’un succès. Secondée dans l’entourage du chancelier par quelques complicités latentes, secondée par l’insouciance de Hardenberg lui-même, elle apportait dans les négociations toute l’habileté, toute la ténacité des intérêts menacés. Elle avait ramené par ses résistances opiniâtres les projets si vastes, si étendus, de la commission de législation, à l’aspect d’un tronçon fort réduit, et d’une tentative restreinte. L’on pouvait se demander même, à suivre la marche des événemens, si, après quelques nouveaux efforts, elle laisserait subsister quoi que ce fût du grand mouvement réformateur qui avait paru entraîner les milieux politiques de la Prusse, et si, par un jeu de bascule qui n’était point pour effrayer sa hardiesse, elle n’allait point passer de la défensive à l’offensive, et substituer aux tentatives d’émancipation de la démocratie rurale, quelques satisfactions nouvelles accordées à ses propres besoins de domination sociale.

Il n’en devait pas être ainsi. L’édit de septembre 1811, ballotté,