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de côté, et proposa, de sa propre initiative, des dispositions nouvelles.

Elle sut bien faire quelques sacrifices à l’esprit nouveau. Elle acceptait l’abandon, mais l’abandon contre indemnité, de ses droits de copropriété sur les tenures. Elle exigeait, en échange, que l’État renonçât à déclarer intangible l’ensemble des tenures rurales, et permît au seigneur d’étendre son domaine propre lorsqu’il en trouverait l’occasion. Elle acceptait encore le rachat des services et des corvées; mais elle voulait en être indemnisée, et l’un des députés de la Marche électorale, von Goldbeck, suggéra un mode d’indemnité qui plaisait fort à l’aristocratie foncière : on lui abandonnerait à forfait une partie du sol. Elle demanda d’abord la moitié des tenures, et se contenta en fin de compte du tiers. Cette solution parut d’autant plus «acceptable que l’évaluation, la liquidation, et le règlement des obligations réciproques du seigneur et du tenancier étaient des opérations des plus délicates. Et, si le règlement à forfait devait entraîner nécessairement bien des injustices de détail, il constituait, en tout cas, une simplification des plus pratiques.

Les idées suggérées par l’aristocratie foncière prirent ainsi la place du projet élaboré par Raumer. Scharnweber reprit son travail. Il prépara, à la date du 12 juillet 1811, un nouveau projet d’édit sur les bases indiquées par les députés de la noblesse, et ce projet devint, avec de très légers changemens, l’édit du 14 septembre 1814.

La promulgation de l’édit fut, de la part des réformateurs théoriques qui environnaient Hardenberg, l’occasion d’un débordement d’enthousiasme. « Vous avez fait, lui disait-on, ce que Frédéric l’unique n’a pu réaliser. Vous avez assuré aux paysans la propriété de leurs tenures. C’est un événement européen. Bien des millions d’hommes béniront encore dans plusieurs siècles les noms de Frédéric-Guillaume et de Hardenberg. »

L’édit, déjà réduit par rapport aux projets primitifs, ne méritait pas de semblables hyperboles. Si toutefois il eût été exécuté dans sa teneur, si sa forme nouvelle eût marqué la dernière concession faite aux exigences de l’oligarchie foncière, il eût conservé l’importance d’une grande réforme sociale.

La noblesse y avait sans doute mis sa griffe. Elle prélevait sa dîme sur l’opération, puisqu’elle devait acquérir, en toute propriété, un tiers des tenures, plus qu’il n’en fallait certainement