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de représentation nationale, ils n’avaient ni l’un ni l’autre, si peu que ce fût, la pensée d’affaiblir l’autorité royale, ni d’en faire passer la moindre partie à un corps électif.

Stein, qui associait quelques tendances libérales à la ténacité des traditions aristocratiques, concevait la représentation nationale avec ses trois ordres : l’aristocratie foncière, la bourgeoisie des villes, les paysans, comme un grand corps consultatif, destiné à établir un contact réel entre la nation et le gouvernement. Mais si, dans son esprit, cette conception demeura vague, Stein était du moins, dans ses projets de système représentatif, dans les limites étroites où il les enfermait, probablement plus sincère que Hardenberg. Celui-ci était encore plus éloigné de se départir même d’une parcelle du pouvoir dictatorial qu’il s’était si jalousement constitué. L’autorité monarchique était pour une part entre ses mains. Il ne se souciait pas, ses actes le prouvèrent, de la réduire en rien.

Et cependant si dérisoires qu’aient été, sous le ministère de Hardenberg, les essais de régime représentatif, si éloignées que soient ses tentatives de celles qui ont donné à la France des assemblées vivantes et agissantes, leur courte histoire allait fournir l’image assez exacte de ce qu’était en Prusse, au début du XIXe siècle, la société politique dominée encore par l’oligarchie.

Hardenberg a convoqué deux « représentations nationales ». La première a siégé du mois de février au mois de septembre 1811, du lendemain des grands édits financiers d’octobre 1810 à la grande réforme agraire de septembre 1811. La seconde a siégé de 1812 à 1815. Si l’on jugeait de leur importance par l’oubli dont elles ont été l’objet jusqu’à une époque récente, on ne l’apprécierait peut-être pas à sa juste valeur. Quelques fouilles pratiquées dans les archives au moment où les idées libérales s’éveillaient en 1841, quelques mots dans l’Histoire de Treitschke[1], c’est tout ce que les historiens allemands leur ont accordé d’attention, jusqu’au jour où les études récentes de M. Stern en ont mieux précisé le caractère et l’importance[2].

La première de ces assemblées s’est appelée modestement l’Assemblée des députés du pays. Elle fut composée suivant des

  1. Treitschke, Deutsche Geschichte, I, p. 378.
  2. A. Stern, Abhandlungen und Aktenstücke zur Geschichte der preussischen Reformzeit, 1807-1815, VI. Die Sitzungsprotokolle der interimislischen Landesvepräsentation Preussens, 1812-1815, p. 129.