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lui, pour son Église, pour les ennemis de son Eglise, pour tous. Liberté de conscience, liberté de penser, liberté de parole, liberté d’écritures, liberté de propagande, liberté d’association, liberté d’enseignement, il revendique à la fois et il accorde tous les droits de l’homme; c’est-à-dire, car il ne faut pas se payer de mots, et ici il ne s’en paye pas, toutes les expansions de l’intelligence et de l’activité humaine dans l’état social comme elles se produiraient dans l’état naturel, se limitant seulement, naturellement, les unes par les autres, et l’État social ayant pour devoir de s’en accommoder sans nul droit de les restreindre.

Ayant le courage de sa logique, qui est un courage assez rare, il demande et veut les libertés favorables à son Église, et aussi celles qui lui sont défavorables. Ainsi la liberté d’enseignement est favorable à l’Eglise catholique: il la réclame; mais la liberté de la presse, l’Église étant encore protégée contre les outrages par des lois, est ou semble être l’Eglise désarmée et découverte: il réclame la liberté de la presse. Bien plus, comprenant bien, comme il l’a toujours dit, que l’Église et l’État unis, par quelque lien que ce soit, c’est l’Eglise assujettie ou l’État subordonné, il veut énergiquement la séparation de l’Église d’avec l’État. — Mais la subvention de l’État à l’Église? De quelque nom qu’on l’appelle, et sans vouloir même savoir si cette subvention est une indemnité eu égard à des propriétés confisquées jadis, cette subvention est toujours un paiement, donc une chaîne. Il faut que l’Église ait le courage de la répudier. On ne peut pas être libre et payé; on ne peut pas être soldé d’un camp et soldat d’un autre. Or l’Église et l’État ne sont pas nécessairement deux camps opposés et il n’est pas à souhaiter qu’ils le soient; mais ils peuvent l’être. Il est dans leur nature qu’ils le soient quelquefois, il est bon qu’à un moment donné ils le soient, l’Église, encore un coup, quoiqu’elle soit autre chose, étant d’essence première et de rôle primitif, une borne placée devant les empiétemens de l’État sur les libertés personnelles. Et s’il peut y avoir lutte, si très légitimement et pour le bien de l’humanité il doit quelquefois y avoir conflit, il n’est pas possible qu’on soit payé par son adversaire, il ne faut pas qu’on soit payé par son adversaire possible.

Enfin le catholicisme sera démocratique. Il le sera d’ores et déjà, en s’occupant, comme c’est son office naturel, des misères du peuple et des moyens de les soulager ; il le sera pour l’avenir en aidant et en hâtant l’avènement de la démocratie. Lamennais est