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pénétré d’une lumière nouvelle, expliquant aux hommes les faits par lesquels ils passent et leur indiquant la manière vraie et sûre d’y marcher.

Le programme était beau ; Lamennais n’était pas assez muni pour le remplir complètement. Il l’a un peu rempli de phrases. Il faut bien chercher pour trouver quelque chose d’un peu précis, écrit par lui, sur l’union de la science et de la foi. Il dit souvent que le clergé catholique n’est pas assez instruit, et il a peut-être raison, et l’on doit toujours dire aux hommes qu’ils ne sont pas assez instruits; mais comment se devront concilier les doctrines de l’Eglise et les découvertes de la science, c’est ce qu’il n’indique guère avec netteté : « Pour que le catholicisme redevienne ce qu’il fut, en s’identifiant à la nature humaine tout entière, il faut que les deux élémens essentiels de l’intelligence, actuellement séparés, la science et la foi, s’unissent de nouveau; et cette union, qui l’opérera, sinon la liberté, qui, laissant à chacun de ces élémens son action propre, tend à les ramener l’un vers l’autre, parce que ni l’un ni l’autre ne peut subsister seul ? Ainsi partout où s’est établie la liberté de penser et d’écrire, il se manifeste une tendance visible de la foi vers la science et de la science vers la foi, tandis qu’ailleurs elles vont se divisant de plus en plus. » — L’union de la foi et de la science dans la liberté, c’est une belle formule; mais ce n’est qu’une formule, et Lamennais s’est toujours gardé d’entrer dans le détail, c’est-à-dire dans le vif du débat. Sans y entrer nous-mêmes, nous nous bornerons à rappeler qu’il n’y a pas là seulement, comme Lamennais semble le croire, divorce de deux « élémens intellectuels », mais l’antagonisme de deux principes. Toute religion est l’explication des choses par le surnaturel, toute science est exclusive du surnaturel dans ses recherches, et toute philosophie scientifique, même élémentaire, a l’élimination du surnaturel à la fois pour point de départ et pour but. Que ces deux principes soient conciliables, il se peut, et je ne le recherche pas ici; mais Lamennais n’a pas même cherché à les concilier; il se borne à les inviter à vivre ensemble. Il a simplement passé sans la voir, ou peut-être en reculant devant elle, devant la plus grande question du siècle et même des temps modernes.

Pour ce qui est de la conciliation du catholicisme et de la liberté, il est bien plus net, et, au contraire, a ici une magnifique et vénérable franchise. Il accepte tout le libéralisme et le réclame pour