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tous les princes de leur maison, et qui dérive bien un peu de l’instinct de la guerre : celui de la chasse à courre. Par hygiène, et pour les accoutumer à de longues courses, on les forçait d’abord de suivre à pied la chasse du cerf dans la forêt de Fontainebleau, et ils couraient après les chiens jusqu’à perdre haleine. Puis on leur permit de monter à cheval. Dangeau note la première fois où le duc de Bourgogne accompagna ainsi Monseigneur, et où il assista à l’hallali du cerf. Ce n’est pas au reste qu’il dédaignât la fauconnerie ou la chasse à tir. De Fontainebleau il allait quelquefois avec ses frères assister à la volerie dans la plaine de Moret. La petite vérole s’étant déclarée à Versailles, Messeigneurs les petits princes, comme on les appelait souvent, furent par prudence envoyés à Noisy. Le duc de Bourgogne se prit de goût pour cet endroit. Pour lui complaire, le Roi y fit disposer une garenne forcée. Les jeunes princes y allaient parfois pour se livrer à la chasse au lapin. Louis XIV s’y rendait en promenade, et il prenait plaisir à voir tirer ses petits-enfans.

Les séjours de Messeigneurs les petits princes à Fontainebleau étaient pour eux un temps de vacances, où la chasse tenait plus de place que l’étude. Le voyage même était un plaisir, et les dérobait à la solennité un peu monotone de Versailles. Ils ne faisaient point route avec le Roi, mais s’y rendaient de leur côté et s’arrêtaient à moitié route, au Plessis, pour dîner et coucher chez Prudhomme, l’ancien barbier du Roi. On peut penser si ce devait être une fête pour ces enfans, de manger ainsi, sans grand ni petit couvert, peut-être loin de leur gouverneur et sous la seule surveillance du fidèle Moreau, chez le vieux serviteur auquel on donnait cette insigne marque de confiance. La soirée, dans cette modeste demeure, devait s’écouler pour eux plus gaiement que dans leur appartement de Versailles ou de Fontainebleau, et on les laissait probablement se coucher après neuf heures. De temps à autre on leur permettait également une petite excursion. Ils dînaient aux Tuileries, après avoir été visiter Notre-Dame et les Invalides. Un grand concours de peuple se pressait alors sur leur passage. Au mois d’août 1694, le cardinal de Furstenberg offrit au duc de Bourgogne et à ses frères, dans sa propriété de Berny, «une petite fête très agréable, et des divertissemens très conformes à leur âge[1]. » A Versailles même, ces divertissemens

  1. Dangeau, t. V, p. 55 et passim.