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de l’abbé de Polignac, et, pour en faire mieux apprécier les beautés par le Roi qui ne savait pas le latin, il traduisait pour lui quelques-uns des plus beaux passages, « ce qui, ajoute l’abbé Proyart, ne servit pas peu à raffermir à la cour le crédit ébranlé de l’abbé. » Lorsque, quelques années plus tard, la malignité publique associa passagèrement le nom de l’abbé de Polignac à celui de la duchesse de Bourgogne, le duc, s’il en fut informé, regretta peut-être d’avoir contribué à rétablir le crédit de l’abbé.

Les éducateurs du duc de Bourgogne, c’est-à-dire Fénelon et Beauvilliers, qu’il ne faut jamais oublier, ne se préoccupaient pas seulement de faire de lui un bon humaniste. Ils voulaient encore, nous dit Louville, qu’il apprît à fond l’histoire, la politique et l’art de commander les armées. Nous ne voyons pas cependant que personne fût chargé de lui apprendre les principes de l’art militaire, à moins que ce ne fût Denonville, le sous-gouverneur, et peut-être l’insuffisance de ces leçons se fit-elle plus tard sentir. Pour l’histoire, c’é tait l’abbé Fleury qui en était spécialement chargé, mais sous la haute direction de Fénelon. Quant à la politique, — Louville entend par là tout ce que devait connaître un prince appelé à régner sur un grand empire, — c’était plus particulièrement Beauvilliers qui devait l’en instruire, mais il est probable que Fénelon ne se désintéressait pas de ces leçons. « On commence déjà, dit le même Louville, à lui apprendre tout ce qui regarde la politique et le commerce, non pas en lui donnant des préceptes généraux et frivoles, comme on fait dans les classes, mais en lui lisant tout ce qui a été écrit sur ces matières, en toutes sortes de temps et en toutes sortes de pays, par les têtes les plus saines et en lui faisant faire toutes les réflexions qui conviennent au sujet que l’on traite. » Il ajoute qu’un des plus habiles hommes du siècle avait été chargé de composer, sous la direction et les yeux de Beauvilliers, un livre qui n’aurait pas été seulement un résumé de tout ce qui s’est passé en Europe au point de vue politique et diplomatique, mais qui aurait contenu encore plusieurs des lettres des princes et de leurs principaux ministres, découvrant les causes secrètes qui les auraient fait agir, et jusqu’aux instructions originales adressées par certains princes à leurs enfans... « En un mot, ce sera un livre universel qui embrassera tout ce qu’il est nécessaire que M. le duc de Bourgogne sache pour bien connaître non seulement l’État dont il