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malignité. On trouve l’écho de ces sentimens dans certain couplet assez grossier rapporté par le Chansonnier[1] :


Les Colbert n’en sont pas plus vaines,
Bien qu’en la chambre de la Reyne
On ait fait asseoir leur...
Car, en duchesses débonnaires,
A leur cousin le tapissier
Elles ont donné leur dais à faire.


Mais la malignité avait dû s’arrêter là, et jamais elle ne put effleurer la réputation des trois duchesses « débonnaires ». À ce trio s’était jointe, par affinité de nature et non point certes par liaison de jeunesse, car les pères auraient été bien étonnés de l’intimité où vivaient les filles, une quatrième duchesse qui était la propre fille de Fouquet, la duchesse de Béthune-Charrost, puis la fille du duc de Noailles, la comtesse de Guiche, qui devait être un jour duchesse de Gramont. C’était dans ce milieu aristocratique et pieux que Fénelon avait été introduit parBeauvilliers.il ne tarda pas à exercer sur les femmes qui composaient ce que Saint-Simon appelle le petit troupeau et en particulier sur la duchesse de Beauvilliers, la bonne duchesse, une influence qu’on n’a point de peine à s’expliquer quand on lit ses lettres d’une sympathie si tendre, d’une intelligence si pénétrante, d’une direction si sûre, où de nos jours encore tant d’âmes blessées par la vie trouvent le baume dont elles ont besoin.

Ce serait cependant méconnaître Beauvilliers et la haute conscience qu’il apportait dans chacun de ses actes que de le croire capable d’avoir choisi Fénelon comme précepteur du duc de Bourgogne, uniquement parce qu’il était le directeur de sa femme. Un mobile plus élevé détermina son choix, et sa sagacité n’avait pas tardé à reconnaître en lui de rares qualités de pédagogue, pour nous servir d’un mot que La Fontaine employait en dérision, et que notre temps a remis en honneur. Beauvilliers eut huit filles dont la naissance successive (il n’eut de fils que plus tard) fut reçue par lui avec un médiocre plaisir. Mais à ces huit demoiselles de Beauvilliers, nous avons plus d’obligations qu’on ne pense, car c’est à elles que nous devons, sans nul doute, le premier ouvrage de Fénelon. — « En faisant des souhaits pour les

  1. Bibliothèque nationale. Recueil Clairambault, Fonds français, 12 688, t. III.