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Danois d’origine, contre la reine qui est Russe et à laquelle on reprochait de représenter le slavisme à l’encontre de l’hellénisme, on entamait, on esquissait une campagne qui avait pour objet d’entraîner le souverain à la suite de son peuple, faute de quoi on pourrait bien se souvenir que sa dynastie était étrangère, et que sa couronne lui avait été donnée après avoir été reprise à un autre. Ces insinuations, qu’on ne se gênait pas pour faire assez haut, devaient produire leur effet. Le roi a peu à peu modifié son attitude première. Depuis quelques semaines on a signalé dans son langage un ton plus hardi, presque belliqueux. Un jour, il a jugé opportun de créer un camp sur la frontière, et son discours à ce propos aurait certainement produit plus d’impression s’il n’avait pas été prononcé à un moment où l’Europe ne voulait rien entendre, et se berçait obstinément dans un rêve de sécurité. Ce qui était, dès ce moment, plus digne de remarque aux yeux de ceux qui suivent avec une attention soutenue les affaires européennes, c’est que le roi Georges s’était livré à ces manifestations significatives à la suite d’un voyage circulaire qu’il venait de faire dans toute l’Europe, voyage au cours duquel il avait vu beaucoup de souverains, de ministres et d’hommes politiques, et après avoir passé finalement quinze jours à Vienne, d’où il arrivait tout droit. C’est quelques semaines plus tard que le comte Goluchowski allait faire à Berlin une visite dont l’objet est resté jusqu’à ce jour mystérieux. Nous rappelons tous ces incidens sans affirmer, bien entendu, qu’ils ont un rapport nécessaire les uns avec les autres ; mais il n’est peut-être pas inutile de les remettre à la fois sous les yeux de nos lecteurs pour les aider à en tirer, peut-être aujourd’hui, peut-être demain, les conclusions qui leur paraîtront vraisemblables.

L’émotion qui s’est produite en Grèce à la suite des incidens crétois devait donc être très vive. Elle s’est répandue dans le pays tout entier avec une extrême violence, et elle a atteint son paroxysme à Athènes, dans le monde politique. On a remarqué la rapidité avec laquelle le gouvernement s’est trouvé prêt à envoyer deux cuirassés en Crète et a pu annoncer l’envoi presque immédiat d’autres bâtimens. Il semblait que tout eût été prévu et préparé d’avance. La Chambre des députés a pris aussitôt un air de ressemblance avec nos assemblées révolutionnaires, dans les momens où un même sentiment s’emparait de tous les cœurs et semblait les entraîner dans un tourbillon de vertige patriotique. L’opposition a déclaré qu’elle soutiendrait le gouvernement. Elle a eu le tort de proposer des séances secrètes, que M. Delyannis a eu raison de ne pas accepter. On n’a