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venues d’abord par Athènes : ce fait matériel semblait révéler déjà les relations qui existaient entre le petit royaume hellénique et la grande île méditerranéenne. On a cru d’abord, et pour ce motif même, que ces nouvelles étaient exagérées ; on a appris bientôt que si elles l’étaient, en effet, dans le dénombrement des victimes de la guerre civile et des incendies, elles ne l’étaient pas en ce qui touche le caractère même et l’importance des événemens. Tous les yeux se sont tournés aussitôt, avec anxiété, du côté de la Grèce. On sentait instinctivement que là était le nœud de la situation. Si la nouvelle insurrection crétoise n’était pas encouragée et soutenue du dehors, elle serait certainement de courte durée, et on pourrait la comparer à ces soudaines, mais dernières échappées de flammes qui se produisent parfois quand un incendie est sur le point de s’éteindre. Mais tout faisait craindre qu’il n’en fût pas ainsi, et que la Grèce n’eût pris une part directe dans la préparation des événemens. Aucun doute aujourd’hui ne subsiste à ce sujet. Nous avons déjà, au cours de la première période de la crise orientale, parlé de l’attitude de la Grèce ; il y aurait quelque naïveté à s’en étonner; elle est si naturelle qu’elle en devient presque légitime. Sans doute, il serait plus édifiant de la part de la Grèce de subordonner ses propres intérêts et ses aspirations particulières au maintien de la tranquillité de l’Europe ; mais ce serait demander beaucoup à une nation jeune et ardente que d’attendre d’elle une aussi grande sagesse, et il faut convenir que le siècle écoulé lui a donné des exemples tout contraires, d’autant plus tentans à imiter qu’ils ont été presque toujours couronnés de succès. L’état de l’opinion, en ce moment, est des plus impressionnables à Athènes, ce qui s’explique sans peine après toute une année d’émotions, faites d’espérances qui restent toujours vivantes et de déceptions qu’on s’obstine à regarder comme provisoires. Le repos de ces derniers mois semble avoir modéré l’expression de ces sentimens, mais n’en a pas amorti l’ardeur. De plus en plus, l’idée que la Crète doit appartenir à la Grèce est entrée dans les esprits, ou, pour mieux dire, elle y était déjà depuis longtemps, mais elle y a pris ce degré d’acuité des choses dont l’accomplissement paraît proche. La Grèce a l’avantage d’avoir à sa tête, depuis de longues années déjà, un roi habile, avisé, auquel ses relations personnelles avec la plupart des grandes familles impériales ou royales de l’Europe donnent une situation particulière, dont il a su faire profiter son pays d’adoption. Toutefois, elle commençait à trouver que ce prince était trop sage, qu’il était trop prudent et ne comprenait pas assez que le moment était venu de l’être un peu moins. Déjà contre lui, qui est