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des courtages, elles n’intéressent guère que la spéculation, et elles auraient pour conséquence de la rendre plus facile et plus fréquente en la rendant moins onéreuse. Le monopole des agens de change pourrait être supprimé par voie de rachat, mais cette suppression ne profiterait guère au public ; car, pour lui offrir les mêmes garanties que le parquet actuel, il faudrait que les nouveaux courtiers de la Bourse fussent constitués en corporation, ainsi que les brokers du Stock Exchange de Londres.

À côté du marché officiel, sous les portiques de la Bourse, et jusque dans l’intérieur du temple, fonctionne le marché libre, désigné vulgairement sous le vilain nom de Coulisse, comme s’il avait quelque chose de clandestin. Le marché libre a, de tout temps, été en butte aux soupçons et aux accusations des hommes qui prétendent s’ériger en défenseurs de la morale. La Coulisse assurément offre plus de prise à la critique que le parquet, ne fût-ce que par son mode de recrutement. C’est elle le grand instrument de la spéculation, le tarif de ses courtages étant bien moins élevé qu’au parquet. La Coulisse a imité l’organisation des agens de change ; elle a, elle aussi, sa chambre syndicale, ou mieux ses deux chambres syndicales, une pour le marché des rentes et une pour le marché des valeurs ; car il y a deux coulisses, celle des valeurs et celle des rentes. L’une opère dehors, sous le péristyle de la Bourse ; l’autre, à l’intérieur, non loin de la corbeille des agens de change. Comme, à certaines époques, une Bourse par jour ne suffit pas à la spéculation, la Coulisse tient dans la saison une petite Bourse le soir. Certaines maisons de la Coulisse, celles notamment qui opèrent à la fois sur les rentes et sur les valeurs, ont un capital considérable, souvent de plusieurs millions. C’est, malheureusement, le petit nombre. Le capital total de la Coulisse atteignait, dit-on, avant la dernière crise, une centaine de millions. On n’est admis comme courtier en rentes ou en valeurs qu’après avoir été agréé par la chambre syndicale et avoir prouvé qu’on possède le capital fixé par elle, soit, au minimum, 100 000 francs pour le marché des rentes, 500 000 pour celui des valeurs. Grâce à ces précautions, la Coulisse n’offrirait guère moins de garanties au public que le parquet, si elle n’opérait, par masses plus considérables, sur des valeurs souvent plus dangereuses, pour le compte de cliens souvent plus téméraires ; — si encore, non contens du rôle de courtiers, les coulissiers n’usurpaient parfois celui de banquiers d’émission. Un des reproches