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C’est de lui qu’on peut dire que la fonction a façonné l’organe.

On sait que la Bourse de Paris se compose, en réalité, de deux marchés indépendans : le marché officiel et le marché libre qui tout en se faisant concurrence, se complètent réciproquement. Cette double organisation, fort attaquée par les partisans de l’uniformité, est sortie spontanément des besoins de la place. Ils ne savent pas quel coup ils porteraient aux affaires ceux qui, par amour de la réglementation, invitent le législateur à supprimer le marché libre, au profit du marché officiel, — pas plus que ceux qui, par haine de tout monopole, même plus apparent que réel, voudraient anéantir le marché officiel, au profit du marché libre.

Marché officiel, marché libre méritent chacun leur nom. Le premier est le parquet des agens de change, officiers ministériels qui, tout comme les notaires, ont acheté leur charge et reçoivent l’investiture d’une nomination du ministre. Supprimés, avec la Bourse, durant la Révolution, rétablis ensuite par Bonaparte, les agens de change de Paris (les grandes places de province possèdent aussi les leurs) forment une corporation qui a sa chambre syndicale et sa caisse commune. Sans y être contraints par la loi, les agens de change ont accepté, dans la pratique, la responsabilité solidaire de tous les faits de charge. C’est, pour le public, une garantie inappréciable. Tout le monde est d’accord sur la loyauté, sur l’honorabilité du parquet des agens de change. Aux époques de crise même, il est bien peu d’agens qui aient peine à faire honneur à leurs affaires ; dans ce cas, la maison est liquidée par les soins de la chambre syndicale, sans que le public ait rien à en souffrir. On peut dire que les opérations traitées au parquet présentent, à cet égard, une sécurité absolue. Les reproches adressés au marché officiel sont d’ordre secondaire; ils n’atteignent pas l’essence de l’institution. Le plus sérieux peut-être, le plus fréquent au moins, c’est le petit nombre des agens de change. Ils sont soixante, comme sous la Restauration, bien que le chiffre des affaires ait décuplé. Aussi le prix des charges est-il fort élevé, et appartiennent-elles d’habitude à une société dont l’agent de change en titre n’est que le chef ou le gérant. On ne voit guère, du reste, ce que le public gagnerait à l’augmentation du nombre des agens; peut-être même y perdrait-il la garantie que lui donne, aujourd’hui, l’importance des capitaux engagés dans chaque maison. Quant aux réformes de détail parfois réclamées de la Bourse, telles que la suppression des liquidations de quinzaine ou la diminution