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tour d’Anvers, de Genève, de Lyon, de Nuremberg, d’Augsbourg[1], plus tard encore, celui d’Amsterdam, puis de Londres, et seulement alors apparurent les juifs, les Spanioles, les Portugais d’abord, bientôt supplantés par leurs congénères d’Allemagne.

Si, une fois entrés dans la danse, les juifs ont souvent mené le chœur, ils n’ont presque nulle part donné le branle. De nos jours, sur tous les rivages où s’établissent des Européens, il se fonde une Bourse à l’européenne. Pour en édifier sur l’Atlantique et sur le Pacifique, les Américains n’ont pas eu besoin d’attendre le débarquement des juifs expulsés de Russie. Partout, dans les deux mondes et dans les deux hémisphères, surgissent ces monumens de la spéculation ; et les races les plus diverses s’y donnent rendez-vous, s’y disputant bruyamment la suprématie de l’argent. La vieille Byzance a sa Bourse, tout comme San Francisco ou Melbourne, et sur la Corne d’Or, le Grec et l’Arménien — si les égorgeurs de Stamboul en ont épargné quelques restes — l’emportent sur le juif. L’Asie vaincue, l’Inde aux cent races a ses Bourses où le Sémite est souvent battu par l’Aryen ; Bombay, qui compte trois sortes de juifs, assiste aux fréquentes victoires des Parsis, adorateurs du feu, et seuls peut-être légitimes héritiers des antiques Aryas; — tandis que, aux Bourses de Hong-Kong et de Shanghaï, le Mongol à la face jaune et aux yeux obliques se glisse en silence entre le Sémite et l’Aryen, prêt à évincer, également, tous les barbares d’Occident.


III

Ainsi la Bourse s’élève partout, étendant son empire avec la civilisation, inculquant aux peuples neufs comme aux races vieillies, avec la passion des affaires, le goût de la spéculation. Laissons de côté la morale et les séductions de la cote sur les petites gens, détournons les yeux, un instant, des plaies sociales faites par l’agiotage pour examiner le rôle de la Bourse dans les affaires. A cet égard même, elle ne manque pas de détracteurs. Si elle stimule l’épargne, si elle attire les capitaux vers les affaires, c’est, dit-on, pour faire passer les économies des travailleurs qui produisent

  1. Sur les Bourses de la Renaissance, M. Ehrenberg nous a donné des études d’un haut intérêt. Voyez notamment Die Weltbörsen und Finanzkrisen des XVIe Jahrkunderts (Fischer, Iéna), ouvrage analysé par M. A. Raffalovich dans l’Économiste français du 22 août 1896.