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animés de l’esprit de réaction et complaisans à l’Autriche, le gouvernement prussien choisit le défenseur de la capitulation d’Olmütz, l’implacable adversaire de la démocratie, Bismarck. Le Junker enragé avait fait partie des diverses Chambres de députés qui s’étaient succédé depuis 1848. Plus le courant démocratique avait grossi, plus il s’était animé à le braver. Il s’était porté l’adversaire déterminé de tout ce que louait, souhaitait, professait ou faisait la démocratie allemande. Elle avait demandé la guerre au Danemark en faveur du Schleswig-Holstein, il déclara cette guerre « frivole, désastreuse, révolutionnaire, vraie querelle d’Allemand. »

Elle avait dissous la vieille Diète de 1815. « Qu’on m’indique, dit-il, depuis le temps des empereurs de la maison de Souabe, une période de l’histoire d’Allemagne, à part le règne de Charles-Quint, où l’Allemagne ait joui de plus de prestige à l’étranger, d’unité politique et de plus d’autorité dans la diplomatie, qu’au temps où la Diète germanique dirigeait les relations extérieures. » Elle avait affirmé l’unité allemande : il se barricada dans l’hégémonie prussienne. « Jamais je n’ai entendu un soldat prussien chanter la patrie allemande. Le peuple d’où cette armée est tirée et qu’elle représente avec le plus de vérité n’a aucun désir de voir son royaume prussien se fondre dans la fermentation putride de l’anarchie de l’Allemagne du Sud. Nous désirons tous voir l’aigle de Prusse étendre ses ailes puissantes et protectrices, de Memel au Donnersberg, mais nous le voulons libre, non pas enchaîné par une nouvelle Diète de Ratisbonne et les ailes coupées par la serpe égalitaire brandie à Francfort. Prussiens nous sommes et Prussiens nous resterons. La Prusse est un Bucéphale qui porte de bon cœur son cavalier habituel, mais qui rejette sur le sable l’intrus, écuyer du dimanche, avec tout son harnachement noir, rouge, or[1]. »

La Diète avait voulu mettre le roi de Prusse à sa tête, il considéra cette offre de la couronne impériale comme une perdition. « C’est le radicalisme qui fait au roi ce cadeau ! Tôt ou tard ce radicalisme se redressera devant le roi, lui demandera sa récompense et montrant l’emblème de l’aigle sur ce nouveau drapeau impérial, il lui dira : Pensais-tu que cet aigle fût un don gratuit ? » Elle avait proclamé la souveraineté populaire et le suffrage universel,

  1. Couleurs adoptées par le Parlement de Francfort pour l’empire allemand.