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chef de l’Etat, de déléguer en Allemagne un envoyé privé qui, sous couleur d’aller aux informations, redresserait les erremens de Persigny et ramènerait notre politique vers l’Autriche. On choisit Rio, légitimiste clérical. A peine en Allemagne, dès Francfort, il manifesta bruyamment ses préférences autrichiennes et n’arriva à Berlin qu’après quinze jours de cette prédication. Persigny comprit, et donna sa démission. Il rentra à Paris tout fier, disant : « Je les ai traités comme après Iéna (juin 1850). »

On ne nomma son successeur (Lefebvre) qu’en décembre et les affaires graves se traitèrent à Paris dans le cabinet du Président avec le souple et habile ambassadeur prussien. Le Président se montra aimable, condescendant. Uni à l’Angleterre, il écarta de la conférence de Dresde le projet « de dénaturer la Confédération allemande, d’absorber dans son sein vingt peuples et vingt Etats, d’adjoindre aux populations allemandes des populations slaves, hongroises, illyriennes, italiennes au milieu desquelles elles seraient noyées, et de substituer à une garantie de paix une menace, un symbole de confusion et d’envahissement[1]. » Apprenant l’irritation causée à Schwarzenberg par l’ultimatum de Manteuffel sur la parité des voix, il soumit à Hatzfeld l’idée que nous verrons se reproduire souvent, de provoquer la réunion d’un congrès.

Ces condescendances ne vinrent pas à bout, plus que les véhémences de Persigny, d’une insurmontable aversion. Le comte de Chambord passant à Berlin pour se rendre à Wiesbaden (5 août 1850), le roi alla le recevoir avec les insignes de l’ordre bourbonien du Saint-Esprit, lui rendit des honneurs royaux et mit à sa disposition le château de Potsdam. Il ne sut aucun gré du Mémorandum et il interpréta fort mal la proposition d’un congrès. C’était une assistance ; il y vit une menace contre laquelle il se réfugia dans l’amitié traditionnelle de l’Autriche.

Ne continuons pas à nous quereller, dit-il à Schwarzenberg. N’entendez-vous pas la voix de l’ennemi commun ? Puisque nous ne réussissons pas à créer du nouveau, restaurons l’ancien, j’y consens et pour vous donner une preuve de ma ferme volonté de rétablir les relations intimes d’autrefois, je vous offre de vous garantir contre la France vos possessions italiennes. — Et, en effet dans le même mois, d’un commun accord, la Diète fut

  1. Memorandum du 5 mars 1851.