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note péremptoire, à s’associer à cette sommation ainsi qu’aux mesures militaires qui suivraient son rejet.

Persignv à bout de patience, trouvant une issue pratique à ses sentimens de dépit, se fâcha. Il ne garde aucun ménagement et pose la question de guerre. « Sans cette franchise, dit-il au ministre des Affaires étrangères Schleinitz, vous pourriez croire que la résistance de la France ne sera pas plus sérieuse qu’en 1840, et vous vous avanceriez si loin qu’il ne vous serait plus possible de reculer. » S’adressant ensuite aux souvenirs reconnaissans que le Président gardait à la Suisse, il en obtient la formation d’un corps d’armée sur les frontières de l’Est sous le commandement du général Changarnier (fin février 1850). Il y avait quelque excès dans ces procédés, Persigny ne se le dissimulait pas : « On ne passe pas de la faiblesse à la politique de la force sans un peu d’exagération. L’important est que le coup soit porté, et il l’a été en pleine poitrine. » L’événement le démontra vite. Il fut pendant quinze jours l’objet des colères et des fureurs de la Cour, de la société et du corps diplomatique, puis tout le monde redevint poli et gracieux ; le gouvernement prussien renonça à son intervention en Suisse ; et, comme en diplomatie un mensonge ne coûte guère, il nia en avoir jamais eu l’idée.

Cette affaire rendit Persigny décidément insupportable. On trouva que pour un mannequin il se remuait beaucoup trop, et on chargea Hatzfeld d’insinuer qu’il compromettait les bons rapports par ses violences et ses façons soldatesques : on l’avait cru bien différent quand on l’avait demandé. En même temps arrivaient à l’Elysée les échos des propos tenus par l’ambassadeur. Le Président en fut très mécontent. L’annonce d’une restauration impériale le compromettait et donnait à ses affirmations constitutionnelles l’apparence d’une tromperie ; l’offre de Kiel et de l’entrée du Holstein dans l’Union restreinte constituait une véritable immixtion dans des affaires dont il avait interdit de se mêler. Au ministère des Affaires étrangères, auquel arrivaient aussi des rapports, on fut vexé plus encore de l’adhésion donnée à la tentative d’Erfurt, et de l’indifférence témoignée aux États moyens. De toutes parts, les blâmes tombèrent sur l’ambassadeur, blâmes pour ce qu’il avait fait et dit autant que pour ce qu’il n’avait pas fait et dit. Enfin le comité diplomatique de l’Assemblée, entièrement autrichien, exigea de La Hitte, puisqu’il ne se décidait pas à faire justice d’un confident supposé du