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Prusse étaient entièrement amicales ; il n’avait aucune objection contre un accroissement de ses forces obtenu par une confédération étroite. » D’après le récit de Hatzfeld, il aurait ajouté : « Si les adversaires de la Prusse offraient à la France la perspective d’accroissemens territoriaux, la Prusse ne devrait-elle pas faire du Palatinat bavarois la matière d’une offre de ce genre ? » L’ambassadeur aurait interrompu, disant que la plus légère indication d’un pareil désir rendrait impossible tout rapprochement. Déjà antérieurement, ajouta-t-il, les ministres Drouyn de Lhuys et Tocqueville avaient déclaré que, dans une semblable conjoncture, la France n’aurait besoin d’aucun accroissement de territoire, car un avantage très réel résulterait pour elle d’une guerre austro-prussienne : la rupture de la Sainte-Alliance et du faisceau solide formé par les trois puissances de l’est qui, pendant une génération, avait opposé à la France une barrière inexpugnable. Le Prince convint aussitôt de la justesse de ce langage et n’insista pas ; il n’avait fait son observation qu’en l’hypothèse de l’Autriche offrant des territoires prussiens. — S’il avait eu à se convaincre de la résolution invincible de la Prusse de ne consentir à aucune cession de territoire allemand, même en dehors de chez elle, il l’aurait été par cette conversation. Néanmoins il persista dans la poursuite de l’amitié et de l’alliance prussienne, démonstration évidente que la reprise du Rhin n’était pas le but de son ambition, et qu’en souhaitant une guerre entre les deux puissances allemandes, il ne songeait qu’à obtenir la liberté de ses mouvemens en Italie et ailleurs, par la rupture de la Sainte- Alliance.

Persigny, arrivé à Berlin le 4 janvier 1850, ne tint aucun compte de ses instructions officielles et dépassa ses instructions secrètes. Sans aucune réserve il approuva l’entreprise d’Erfurt, préconisa la cession à la Prusse du port de Kiel, de la partie du Schleswig qui domine la baie, et l’adjonction du Holstein à l’Etat fédératif projeté. Avec Radowitz, il s’abandonna à une expansion sans réticences. Lui parlant comme à l’ami dont on est sûr, il lui raconta que la forme actuelle du gouvernement français serait bientôt modifiée et l’Empire rétabli par le peuple et par l’armée. Il lui traça, à sa façon, le programme du nouvel empire. Napoléon avait succombé pour avoir méconnu la vocation naturelle de la France, l’hégémonie sur les races romanes du Sud, et s’être obstiné déraisonnablement à attirer l’Allemagne dans la sphère de sa domination. Notre ambition devait désormais ne nous attirer