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Cavour aussi avait défendu la paix forcée de Milan avec autant de courage que Bismarck la capitulation d'Olmütz. En Prusse aussi bien qu'en Piémont, les charlatans et les spéculateurs en patriotisme, ardens à convertir la calamité nationale en moyen de triomphe personnel restèrent sourds à ces conseils du bon sens. Le Parlement blâma le traité. Mais en Prusse, comme en Piémont, existait un roi obéi ; le Parlement fut dissous, celui qui lui succéda ratifia le traité. Manteuffel commença aussitôt le relèvement très fier à la conférence de Dresde. Il y heurta résolument son vainqueur de la veille ; il contribua à l'échec du projet d'une grande Allemagne, et exigea, sous forme d'ultimatum, la parité de la Prusse et de l'Autriche dans toute organisation fédérale. Schwarzenberg, surpris et irrité, se fût certainement emporté à une nouvelle arrogance si, sans s'en douter, Louis-Napoléon n'eût pacifié la querelle recommençante.


VII

Le Prince se montrait aussi favorable à la Prusse qu'il l'avait été au Piémont.

Je ne comprends pas qu'on ait expliqué cette prédilection prussienne par l’arrière-pensée de reprendre les provinces rhénanes. La main de la Prusse était la seule dont on ne pût les attendre. Ses rois ont l'habitude de prendre et non de donner. Leur ambition actuelle les obligeait plus que jamais à respecter, à flatter, à seconder les passions nationales : en eussent-ils eu la volonté, ils n'auraient pas eu le pouvoir de céder un territoire allemand quelconque. Il leur était même interdit, sous peine de ruiner leur avenir, d'accepter une conversation diplomatique sur ce sujet. La poursuite de l'alliance prussienne impliquait le renoncement à la revendication des provinces rhénanes. C'est l'Autriche qui aurait pu les donner ou plutôt aider à les conquérir, en retour d'une garantie de ses possessions italiennes et d'un concours armé dans sa lutte pour la prépondérance en Allemagne. Mais, préoccupé de la transformation de l'Europe plus que de l'accroissement de la France, n'admettant pas la conquête comme un titre valable d'annexion, le Prince ne songeait pas à obtenir de l'Autriche ou de qui que ce fût, une province dont il connaissait les sentimens allemands et à laquelle la violence même n'eût pas arraché un vote d'union. Il était