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raconte que parcourant un champ de bataille, il voit un Autrichien couché dans son sang se relever et lui dire d’une voix expirante : « N’est-ce pas que nous nous sommes battus mieux que les Prussiens ? » L’antagonisme, assoupi depuis 1815, s’était réveillé en 1848, il ne va plus s’arrêter jusqu’au dénouement de 1866.

Frédéric-Guillaume avait craint que son front de monarque de droit divin ne fût dévoré par la couronne de feu d’empereur de la Démocratie allemande, mais il essaya d’y poser une couronne moins large, forgée par ses mains princières. Il concerta avec les rois de Saxe et de Hanovre l’établissement d’une confédération du Nord, de laquelle serait exclue l’Autriche, et dont il deviendrait le maître. Le suffrage universel n’y aurait aucune part ; sa Charte serait l’œuvre d’un Parlement élu par un suffrage à deux degrés, à base censitaire. On appela cela l’Union restreinte, par opposition à l’Union de la Confédération de l’Allemagne entière rêvée à Francfort. Le général Radowitz, catholique convaincu, homme d’instruction, d’éloquence et de décision, dont on disait qu’il était un moine farouche et un soldat hardi, fut chargé de conduire l’affaire.

Schwarzenberg, à peine délivré des insurrections italiennes et hongroises, sans se donner le temps de réparer l’édifice impérial de toutes parts lézardé, se jeta au travers de l’entreprise. Il le notifia d’un ton impérieux : Il ne tolérerait pas la création d’un État fédéré, même dans le nord de l’Allemagne, en dehors de l’Autriche : ce serait un casus federis. — Si vous tenez à une réforme de l’ancienne Constitution, introduisez dans la nouvelle Union l’Autriche avec toutes ses provinces ; placez à la tête de cette vaste machine un Directoire à trois, composé de la Prusse, de l’Autriche et d’un roi des États moyens, présidé par l’Autriche, et ne le paralysez point par une Chambre populaire. Répugnez-vous à cette Allemagne impériale autant qu’à l’Allemagne démocratique, revenez au pacte de 1815, à l’acte final du Congrès de Vienne, et rouvrons ensemble la Diète conformément aux anciens erremens.

Radowitz protesta de ses bonnes intentions : « Exclusion ne signifiait pas hostilité, l’Union restreinte nouerait avec l’Autriche une alliance éternelle. » Puis il passa outre, publia une loi électorale provisoire et fixa au 30 janvier 1850 les élections au Reichstag de l’Union restreinte. Les rois de Saxe et de Hanovre furent moins braves. Effrayés des menaces de Schwarzenberg,