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V

Le Président, ne se sentant pas encore maître de suivre ses inspirations personnelles, évitait d’intervenir, soit dans les affaires politiques, soit dans les affaires religieuses du Piémont. Son ministre fut moins circonspect. Pressé par le nonce et par l’ambassadeur autrichien, le général Lahitte offrit les bons offices de la France, insinuant que leur prompte acceptation arrêterait en temps utile une intervention moins amicale. D’Azeglio répondit fièrement qu’il accepterait avec gratitude les bons offices d’une puissance amie, mais qu’il repousserait toute ingérence n’ayant pas le caractère d’une intervention bienveillante. Lahitte insista, signala les dangers de la licence des journaux piémontais, et annonça l’intention d’envoyer Corcelles à Turin comme pacificateur : « Envoyez-le plutôt à Rome, riposta sarcastiquement d’Azeglio, c’est là qu’il faut prêcher la conciliation, et que vous avez les moyens d’imposer vos conseils. Nous ne comprendrions pas que vous tentiez de nous contraindre au maintien de ce que vous avez été les premiers à ne pas supporter chez vous. »

Le Président averti et informé, intervint, interrompit les remontrances de son ministre, et déclara à l’ambassadeur sarde qu’il approuvait l’abolition de l’immunité ecclésiastique, qu’il déplorait la conduite de l’archevêque de Turin ; et il chargea son ambassadeur à Rome de combattre les « tendances exagérées » de la curie pontificale et de seconder les démarches du Piémont en vue d’un arrangement.

Ainsi, au premier choc entre le Piémont et la Papauté, sans cesser de se montrer à Rome respectueux, conciliant et protecteur, Louis-Napoléon opine en faveur du Piémont. Voilà encore un indice de ce que sera le Prince devenu tout-puissant.

Il laissa aussi entrevoir dès ce temps-là le penchant qui l’entraînait vers la Prusse.


VI

Depuis Frédéric et Marie-Thérèse, la rivalité entre la Prusse et l’Autriche, malgré les rapprochemens des souverains, ne s’était pas éteinte, l’événement n’ayant pas encore décidé à qui appartiendrait l’Allemagne. Le maréchal Suchet, dans ses Mémoires,