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Toscane, le grand-duc répudiait les principes des lois léopoldines réputées jusque-là inviolables. Son confesseur lui ayant écrit qu’il ne l’admettrait pas au tribunal de la pénitence, s’il ne reconnaissait que, de droit divin, le patrimoine de l’Eglise est inaliénable, le grand-duc l’avait reconnu. D’Azeglio adopta une politique anti-autrichienne, constitutionnelle, anticléricale. Il la rendit anti-autrichienne, en faisant du Piémont la terre d’asile des émigrés, des fugitifs, surtout du Lombard-Vénitien. On ne se contentait pas de les recevoir, on les aidait, les employait, soit dans les fonctions de l’Etat, soit dans les universités ou les tribunaux, soit dans la presse. Réunis le soir sous les portiques de la rue du Pô, ils constituaient une représentation de l’Italie : l’Italie gémissante. Ils excitaient les ministres, tenaient en haleine les vaillans demeurés au pays natal, remplissaient l’Europe de plaintes et de malédictions contre l’Autriche. Il rendit sa politique constitutionnelle en s’attachant à maintenir les franchises parlementaires et les libertés publiques, imperturbablement libéral au milieu de l’éclipse presque générale de la liberté en Europe. Pour rendre sa politique anticléricale, il entreprit la réforme de la législation religieuse.

On retrouvait encore en Piémont les institutions les plus surannées du moyen âge, abandonnées partout ailleurs, telles que le droit d’asile dans les églises, l’immunité ecclésiastique ; d’innombrables fêtes obligatoires interrompaient à chaque instant le travail ; aucune disposition ne protégeait les familles contre les legs aux corporations religieuses. Un légiste éminent, Siccardi, proposa une série de lois pour réformer ces abus, ramener l’Eglise nationale au droit commun, abolir l’immunité ecclésiastique, assujettir le prêtre aux tribunaux ordinaires, réduire le nombre des fêtes obligatoires à quatre ou cinq, subordonner l’acceptation des legs pieux à l’autorisation du conseil d’Etat. En un mot, il proposa d’introduire la législation en vigueur en France, et sur laquelle, même en ses jours les plus cléricaux, la Restauration n’avait pas porté la main.

Ni Balbo ni la droite ne contestèrent cette réforme si justifiée ; ils prétendirent seulement que, soit qu’on les considérât comme un droit, soit comme une simple coutume, les privilèges ecclésiastiques ne pouvaient être abolis sans le consentement de l’Eglise et du corps ecclésiastique. Des négociations avaient déjà été essayées, elles n’avaient donné aucun résultat. D’Azeglio se