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certaines réclamations et notamment à celles d’un juif portugais né à Gibraltar, don Pacifico (17 janvier 1850). Sur le refus de la Grèce, il fait bloquer le Pirée et mettre l’embargo sur les navires du gouvernement grec et sur les navires marchands. Nicolas, encore frémissant de sa récente humiliation dans l’affaire des réfugiés hongrois, prend parti pour la Grèce, en vertu de ses droits de co-garant. (Note du 19 février 1850.) Il semblait naturel que la France s’unît à lui, ses intérêts et son droit étant les mêmes. Mais cette intervention collective eût été désagréable à l’Angleterre. Le Président offre ses bons offices et substitue une médiation isolée, tout amicale, à une action collective blessante. Palmerston remercie et accepte. Puis aussitôt, emporté par son impatiente passion, tandis qu’un arrangement se concluait à Londres entre lui et notre ambassadeur (18 avril), sous prétexte qu’à Athènes le médiateur français avait renoncé à sa mission, il méconnaît l’arrangement consenti par lui-même. Malgré les représentations de l’envoyé français, la Grèce, attaquée de nouveau par les forces navales britanniques, menacée d’une ruine complète, se rend à merci et concède au Pirée bien au-delà de ce qui lui avait été imposé à Londres (27 avril 1850). Le Président se fâche et notifie à Palmerston que les respects mutuels sont la condition première de toute alliance et qu’il ne permettra à personne de froisser impunément notre dignité. Il demande que le cabinet de Londres considère comme non avenus des faits regrettables, constituant la violation d’un engagement. Cette demande n’ayant pas été agréée, il juge que la continuation du séjour à Londres de notre ambassadeur n’est plus compatible avec la dignité de la République ; il le rappelle et le ministre des Affaires étrangères dit à la tribune : « J’ai eu l’honneur d’annoncer à l’Assemblée qu’à la nouvelle fâcheuse et inattendue de l’insuccès de nos bons offices dans les négociations suivies à Athènes, le gouvernement de la République avait cru de son devoir de demander au gouvernement anglais des explications. La réponse qui nous a été faite ne se trouvant pas telle que nous avions le droit de l’attendre, le Président de la République, après avoir pris l’avis de son conseil, m’a donné l’ordre de rappeler de Londres notre ambassadeur. » (Très vive approbation, triple salve d’applaudissemens, abstention sur la plupart des bancs de l’extrême gauche.)

Les conséquences de cette déclaration eussent été fort graves si l’Angleterre ne les eût pas conjurées en reconnaissant la