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un romancier oublié.

sont un recueil d’ironiques observations sur les mœurs de la France, soit la très pittoresque relation que Mme d’Aulnoy vient de publier de son voyage en Espagne. Les plus raffinés, curieux de surprendre le secret intime d’un cœur et d’entendre le cri vrai de la passion, ouvrent le mince recueil où le baron de Breteuil a, sans scrupules ni pudeur, fait imprimera la suite des Lettres d’une religieuse portugaise, les douloureuses lettres d’amour qu’il avait reçues de la présidente Ferrand.

C’est à ces exigences et à ces curiosités nouvelles que toute une génération de romanciers, celle à laquelle appartient Sandras, s’est efforcée de répondre. C’est pour y satisfaire qu’elle a demandé à l’histoire d’être la caution du roman.

Que le roman eût alors intérêt à se rapprocher de l’histoire, je le crois et j’essaierai de le prouver. Mais, hélas ! avec les confrères de Sandras il ne s’en rapprochait guère. Sans doute, ils affectent de n’être plus que des biographes d’hommes illustres et de n’offrir que des recueils de documens ou d’historiettes véridiques. Ils se souviennent de Mme de Villedieu qui, en tête de ses Annales galantes (1670), insérait des pièces justificatives et demandait qu’avant de lire la nouvelle intitulée le Pèlerin on voulût bien se reporter à l’Histoire d’Espagne, règne de Ramire XVI, roi d’Oviédo, tome I, année 941. Il ne paraît plus de roman sans préface, ni de préface où l’auteur n’affirme, avec une insistance presque excessive et qui prête à l’épigramme, qu’il n’a rien inventé. Nous voilà bien loin, à ce qu’il semble, de d’Urfé ou de Scarron, et rien n’est plus aisé que de trouver de l’originalité aux romanciers de la nouvelle école : il suffit pour cela de ne les avoir point lus.

L’épreuve de la lecture leur est funeste, et on comprend qu’un érudit tel que Bayle n’ait jamais manqué une occasion de bafouer « messieurs les romanistes ». Le livre qu’ils nous présentent avec tant d’appareil est celui que leurs prédécesseurs de 1630 ou de 1650 ont déjà et tant de fois écrit ; c’est toujours le Polexandre, l’Ibrahim, ou l’Artamène, sous une autre couverture. Ces Histoires secrètes de Marguerite de Navarre, de Catherine de Bourbon, de Marie de Bourgogne, ces Mémoires de la cour de Charles VII, cette Histoire des Favorites, ces Intrigues amoureuses de François Ier, où rivalisent Mlle de La Force, Mme Durand, Mlle de La Rocheguilhen et Lesconvel, ne doivent rien à l’histoire qu’une séduisante et menteuse enseigne. Là, le roman n’a rien gagné à