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un phénomène parmi les romanciers de son époque. Plus sensible au profit qu’à la gloire, quand par hasard il signait ses productions, c’était du nom d’autrui. Aussi n’est-il pas aisé d’en dresser le compte. Certaines bibliographies disent qu’après avoir publié une quarantaine d’ouvrages, il en laissait à sa mort près de quarante autres en manuscrit. Quoiqu’il soit prudent de se défier de ces évaluations en chiffres ronds, sa fécondité n’est pas douteuse. Je laisse de côté des journaux et des pamphlets dont la valeur ne me paraît pas bien grande, tels que son Mercure historique et politique ou ses deux brochures sur la Conduite de la France depuis la paix de Nimègue, dont la seconde est la réfutation de la première, et où il attaque alternativement la France et la Hollande selon les exigences du libraire qui le paie. Je m’en tiens à ceux de ses écrits que Lenglet-Dufresnoy a cru, non sans raison, devoir classer en 1734 dans sa Bibliothèque des Romans ; j’en retrancherais seulement, après une assez minutieuse enquête, les Mémoires du comte de Vordac que Bayle, dans les Nouvelles de la République des Lettres, dit être de Gavard, et les Mémoires du marquis D., dont la première édition est de 1706, c’est-à-dire d’un temps où Sandras était à la Bastille. La liste ainsi rectifiée comprendrait les œuvres que voici : Vie du vicomte de Turenne, signée du Buisson, capitaine au régiment de Verdelin, 1685 ; Vie de l’amiral Coligny, 1686 ; Mémoires de M. le C. D. R. (comte de Rochefort), 1687 ; Histoire de la guerre de Hollande, 1689 ; Testament politique de Jean-Baptiste Colbert, 1694 ; Histoire secrète du duc de Rohan, 1697 ; Mémoires de Jean-Baptiste de La Fontaine, seigneur de Savoie, 1698 ; Mémoires de M. d’ Artagnan, 1700-1701 ; Annales de la Cour et de Paris, 1701 ; Mémoires de la marquise de Fresne ; Mémoires du marquis de Montbrun, même date ; Mémoires de M. de B. (Bouy), 1711 ; publications posthumes : Le prince infortuné ou Histoire du chevalier de Rohan, 1713 ; Histoire du maréchal de La Feuillade, même date ; Histoire de la comtesse de Strasbourg, 1716.

Cette longue et aride nomenclature permet de voir du premier coup d’œil quel était entre 1680 et 1715 le domaine du romancier. Sandras, en effet, n’était pas seul à composer des Annales, des Histoires secrètes, ou de prétendus Mémoires ; il en paraissait chaque année, et principalement chez Pierre Marteau, un nombre incroyable, et l’on peut dire que pendant trente-cinq ans le roman n’a guère revêtu d’autre forme. Mais si cette forme n’est devenue