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des sociétés pour être condamné à l’équilibre instable et à la prompte décomposition des produits artificiels. Ce que je sais bien, c’est qu’en France, depuis cent ans et plus, les esprits libéraux ont aspiré de toutes leurs forces à l’avènement de ce régime, dont notre pays n’a connu et goûté les bienfaits authentiques que pendant quelques courtes éclaircies sous la Restauration, la monarchie de Juillet et les deux Républiques.

Mais il faut croire que la prétention de mener de front la constitution d’un gouvernement vraiment représentatif et l’application radicale du principe de l’égalité démocratique a quelque chose en soi d’outrecuidant ! L’Angleterre, elle, a vu se prolonger un siècle entier, et même davantage, l’âge classique du parlementarisme, et elle en conserve aujourd’hui encore de beaux débris. Pour la France, ç’a été une sorte de chasse à la chimère. Toutes les fois que le gouvernement personnel a appesanti son dur joug sur la nation de 1789, elle s’est remise avec ardeur à la poursuite de ce noble régime de liberté et d’autonomie. Toutes les fois que le pays est rentré en possession de ses franchises et qu’il a cru pouvoir enfin mettre la main sur ce fantôme insaisissable, il l’a vu se dissoudre dans l’air et laisser à sa place une triste caricature du parlementarisme vrai.

Aussi est-il grand temps d’opposer une réponse péremptoire à ces ennemis implacables de la liberté qui, par un instinct infaillible, s’attaquent à son meilleur boulevard et prétendent rendre le régime parlementaire responsable des désordres et des erreurs de l’ère actuelle. L’a-t-on assez honni, ce pauvre régime parlementaire ! On a vu se former contre lui des coalitions de toutes les mauvaises humeurs, de toutes les colères, de toutes les rancunes. Le régime parlementaire ! c’est de lui que vient tout le mal, et l’on voit monter, s’enfler, déferler contre lui une marée de dénonciations ignorantes, les épigrammes des salons, et les calomnies des officieux du césarisme.

À cela il n’y a qu’une réponse, mais une réponse qui peut suffire :


Comment l’aurais-je fait, si je n’étais pas né ?


Car il n’est pas né : car il n’existe pas : car il n’y a pas, à l’heure actuelle, en France, même les conditions élémentaires du parlementarisme. Ah ! sans doute, si l’on s’en tient à sa figure extérieure, à ces traits dont les plus apparens sont l’existence