Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/75

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous avons dit des dispositions respectives qui les animent et les divisent ne semble-t-il point démontrer qu’en faisant prévaloir un pareil arrangement, on organiserait l’anarchie, un ordre de choses non moins inquiétant pour le repos de l’Europe que celui auquel on l’aurait substitué ? L’empire ottoman tire de son histoire et de son étendue des forces qui, bien employées, pourraient obvier, dans une certaine mesure, au mal dont souffre l’Orient ; l’état fédératif et troublé qui lui succéderait offrirait-il de meilleures garanties ? Il resterait surtout à considérer s’il serait en situation de défendre le passage confié à sa garde ; d’en assurer le libre et continuel accès à la navigation et au commerce étranger ; s’il ne serait exposé, dès sa naissance, à subir l’influence des puissans voisins dans la dépendance desquels il serait tenu de vivre et de se développer.

Il ne suffirait pas au surplus d’émanciper les chrétiens de la Turquie. Outre le devoir d’aviser à la sécurité de ceux d’Asie, les puissances auraient encore à pourvoir aux relations de l’Etat naissant, nécessairement faible à son origine, avec l’État exproprié naturellement irrité. Or deux maîtres, surtout au lendemain du triomphe de l’un et des revers de l’autre, ne pourraient simultanément exercer en paix l’autorité souveraine sur un détroit dont chacune des rives commande l’autre. Pour éviter des conflits certains, jusqu’à quelle limite faudrait-il repousser les Turcs en Asie afin de donner, au vainqueur comme au vaincu, des frontières défensives ? Ne faudrait-il pas déployer, pour y parvenir, des efforts propres à décourager les cabinets les mieux intentionnés ?


X

Sans être dans la confidence des dieux, il est permis de présumer que ces considérations diverses ont détourné les puissances de toute combinaison qui aurait pour résultat, plus ou moins prochain, de mettre fin à l’existence de l’empire ottoman ; et qu’à tout expédient de cet ordre elles ont substitué leur commun accord pour éclairer la Porte et la déterminer à adopter toutes les mesures propres à offrir de solides garanties aux sujets du sultan de toute origine et de toute religion. Quoi qu’il en soit, il est certain aujourd’hui que, des deux moyens entre lesquels il leur fallait faire un choix et que nous avons indiqués, elles ont écarté le