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eux s’appliquent également à d’autres, cette conséquence naturelle d’un devoir plus général n’affaiblit pas ce que notre devoir particulier envers eux a de plus formel encore et de plus étroit.

Le 30 décembre, lord Salisbury a pris acte de la notification qui lui avait été faite officiellement des instructions adressées à M. Cambon, en déclarant qu’elles étaient en harmonie avec sa circulaire du 20 octobre. Tout est bien qui finit bien, et, puisque tout le monde est content, il faudrait avoir mauvais caractère pour ne pas l’être. Nous le sommes donc en toute sincérité, mais non pas tant parce que les instructions de notre ambassadeur ont paru à lord Salisbury conformes à sa propre circulaire, que parce qu’elles sont excellentes en elles-mêmes. En somme, après deux mois de pourparlers, tout le monde s’est trouvé d’accord parce qu’on s’est fait des concessions mutuelles. Lord Salisbury en a fait comme les autres, ce dont il convient de l’en féliciter. Cet incident diplomatique, qui aura sans doute une grande influence sur le développement des affaires d’Orient, ne doit pas être ramené à l’initiative exclusive de l’Angleterre, à laquelle toutes les puissances se seraient ralliées l’une après l’autre. Il y a eu une seconde initiative, qui s’est produite un peu plus tard, celle de la Russie et de la France ; elle n’a pas été moins efficace ; elle n’a pas eu moins d’influence sur les résolutions finales qui ont été prises en commun. S’il fallait absolument classer l’Allemagne de l’un ou de l’autre côté, peut-être, comme on l’a vu, faudrait-il plutôt la rapprocher de la France et de la Russie. Mais à quoi bon ? Il n’y a pas deux camps en Europe en ce qui concerne les affaires d’Orient, il n’y en a qu’un, et il faut qu’il n’y en ait qu’un. Aussi laissons-nous volontiers les journaux anglais célébrer le grand succès diplomatique de lord Salisbury. A les entendre, c’est lui seul qui a tout fait, tout dirigé, tout mené, tout ramené, à force d’habileté et d’énergie, dans le giron de sa politique personnelle. La dépêche par laquelle il a reconnu la conformité des instructions de M. Cambon avec sa circulaire est un dernier bulletin de victoire. Soit ! Si cette manière de concevoir les choses fait plaisir à nos voisins d’outre-Manche, il y aurait mauvaise grâce de notre part à les présenter un peu autrement. Nous voudrions même que lord Salisbury fût aussi pénétré que ses journaux de l’étendue de son succès. Dans son discours à la Chambre des lords, un passage nous a un peu inquiété, c’est celui dont nous avons déjà parlé, celui où il a cru devoir indiquer des divergences dans les termes employés par les puissances au sujet des mesures coercitives. Cela était-il bien nécessaire ? Le souci de l’exactitude n’a-t-il pas entraîné un peu loin lord