Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/718

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toujours été celle de la Russie, et de là sont venues dans le passé les regrettables oppositions qui se sont produites entre les deux pays. Nous avons la chance aujourd’hui que la Russie, profondément pacifique, et dont la politique est du reste engagée et occupée ailleurs, soit aussi conservatrice que la France elle-même en Orient, et que tant d’autres intérêts qui nous rapprochent ne soient pas troublés par ceux qui pourraient nous diviser. C’est pourquoi notre politique et celle de notre alliée se trouvent naturellement d’accord dans les affaires d’Orient : les réponses faites par les deux gouvernemens à la circulaire anglaise du 20 octobre nous en ont apporté une preuve nouvelle.

On s’est demandé à Saint-Pétersbourg et à Paris s’il était bien prudent de parler avant tout des mesures coercitives à employer éventuellement contre le sultan. Le gouvernement russe a fait tout de suite une observation pleine de bon sens, à savoir que, pour exécuter des réformes, le sultan aurait besoin d’argent et que les puissances feraient bien de s’occuper de ce côté de la question qui était, au point de vue pratique, le plus important et le plus urgent de tous. Là était la clé de la situation. Quant aux mesures coercitives, rien ne prouvait qu’elles seraient indispensables, et M. Chichkine était convaincu que le sultan céderait si les puissances se montraient unies. M. Hanotaux partageait ce sentiment. A ses yeux, les ressources de la diplomatie n’avaient pas encore été épuisées. Il fallait, disait-il, envoyer à tous les ambassadeurs à Constantinople des instructions solennelles qui leur donneraient de la force à l’égard de la Porte, tout en leur laissant une assez grande liberté sur le choix et la nature des réformes à demander. Des moyens de coercition ! On verrait plus tard s’il y avait lieu d’y recourir ; mais était-ce bien par cette menace qu’il fallait commencer ? Le gouvernement russe et le gouvernement français ont déclaré l’un et l’autre, pour qu’on ne se méprit pas sur leur pensée, qu’ils ne se refuseraient pas à discuter ces moyens, quand le moment serait venu, et si toutes les puissances en jugeaient alors l’emploi indispensable. En d’autres termes, ils mettaient au second plan ce que la circulaire anglaise avait mis au premier, et leur réponse était à coup sûr aussi nette et aussi expressive que celle de l’Allemagne dont nous avons plus haut reproduit les termes.

Quant aux instructions aux ambassadeurs, M. Hanotaux ne s’est pas contenté d’en parler, il s’est empressé de rédiger celles qu’il se proposait d’envoyer à M. Cambon, et, après les avoir rédigées, il les a communiquées aux autres puissances, notamment à l’Angleterre. Le