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ce charme de rêve et de mystère dont le génie d’Ibsen enveloppe jusqu’à ses plus faibles créations.


Il me reste bien peu de place pour vous parler de la pièce de M. Auguste Germain. il Etranger a brillamment réussi. Le sujet est analogue à ceux qui furent chers aux dramaturges du second Empire : c’est une rivalité d’amour entre un fils vertueux et un père libertin. M. Germain l’a traité avec une franchise heureuse. Et le dénouement est ingénieux.

Deux détails montrent les progrès qu’a faits, chez le public, la liberté d’esprit. Les spectateurs n’ont bronché ni devant les injures redoublées dont le fils accable son père, — un peu pour le plaisir ou du moins sans grande nécessité dramatique, — ni devant le procédé hardi de la pure jeune fille, qui, pour dénouer l’action, devient la maîtresse de son fiancé. M. Germain s’est fait applaudir sans effort en jetant brusquement sur les planches ce qui, autrefois, n’y aurait pu être hasardé qu’avec mille précautions. De ce sang-froid et, si je puis dire, de cet « estomac » du public, les jeunes auteurs concluront, j’espère, que, s’il n’y a plus de danger, il n’y a plus d’intérêt maintenant à s’attarder sur certains sujets.

La partie comique de l’ouvrage est, à mon gré, un peu facile : mais elle a été goûtée comme le reste. C’est que M. Auguste Germain garde, à travers tout, un don précieux : le mouvement scénique.

La pièce est fort bien jouée par MM. Dieudonné, Léon Noël et Janvier; bien par M. Paul Roussel, et par Mlles Depoix et Grumbach.


JULES LEMAÎTRE.