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ou la fusion de la propriété même de ces entreprises, c’est-à-dire de leur capital. Les États-Unis comptent aujourd’hui une trentaine de ces trusts sur les produits qu’on peut appeler nécessaires, les élémens essentiels de la vie économique, sans parler des industries où la centralisation, sinon le monopole, ressort presque nécessairement du petit nombre et de l’union forcée des producteurs, comme c’est le cas pour les industries extractives. Le monopole représente en Amérique le but suprême des industriels de toutes catégories, et chaque jour voit des tentatives nouvelles de coalition. Un trust amène l’autre: le syndicat du sucre incite les fabricans de glucose à s’associer pour se défendre ; il y en a aussi qui tombent par faiblesse de constitution ou se rompent par fraude ou abus. Plomb, nickel, acier, gutta-percha, glucose, amidon, jute, tout cela est aux mains des en; l’enfant qui va à l’école achète à un trust son ardoise et son livre de classe, et c’est un trust qui fait les enterremens. Ils naissent et meurent, mais il en naît plus qu’il n’en meurt, et ceux qui vivent prospèrent. Là où il n’y a pas syndicat proprement dit et véritable monopole, il y a des ententes, des combinaisons quelconques: on en a compté dans près de quatre cents branches diverses d’industrie, et la liste ne cesse de s’en accroître. Pas une direction de l’activité économique où l’on en trouve des pools ou des trusts, des échafaudages ou des ruines des uns ou des autres, et sous la pression de la surproduction, devant le fait constaté du « trop en tout », la lutte s’est partout engagée contre la concurrence, et les compétiteurs ont vaincu la compétition. Au struggle for life économique se substitue la ligue pour la paix industrielle, avec un mot d’ordre nouveau : Unissez-vous. Les puissans donnent aux faibles leur protection en leur prenant leur liberté, et l’accord s’établit entre les uns et les autres sur la base de l’intérêt commun : les formes de la production revêtent en se centralisant le caractère autocratique.


III

Tels sont donc les faits : l’association bat en brèche la concurrence, et sur ses ruines le monopole prend position et établit sa souveraineté. Quelles ont été pour le consommateur, c’est-à-dire pour le public, et pour l’ouvrier, c’est-à-dire pour la classe pauvre, les résultats matériels de cette évolution économique? A-t-on vu