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ressort en dernier compte de ceux-ci comme de celles-là, mais monstrueux et presque révolutionnaire dans un cas, il est dans l’autre naturel, normal et, jusqu’à un certain point, inévitable.

C’est la distinction qui apparaît en toute évidence, lorsqu’on envisage telle ou telle industrie spéciale, par exemple les chemins de fer, les télégraphes ou les téléphones, les services municipaux d’éclairage ou de transport, et tant d’autres où un certain degré de centralisation, une certaine espèce de monopole, résultent de la nature même des choses, à titre implicite et obligatoire. Le trust est la manifestation d’un mouvement analogue dans les autres branches de l’activité économique, dans les industries de droit commun, si l’on peut ainsi parler. Ici la tendance à la concentration des moyens de production ne trouve sa réalisation positive que plus lentement, à la longue, et l’organisation d’un syndicat est en général préparée par la conclusion d’alliances plus ou moins étroites entre les établissemens rivaux qui cherchent à se garantir contre les risques de la production à perte. — Deux moyens pour créer un trust en Amérique : le premier consiste à fusionner toutes les compagnies ou entreprises dans une société nouvelle, qui acquiert les divers établissemens en donnant en paiement ses propres actions ; on achète sur le marché une majorité d’actions des diverses compagnies, remplaçant de même lesdites actions par ses titres propres. Voilà la méthode employée par le Diamond Match, le syndicat des allumettes. C’est au second procédé d’union que devait être réservée, au sens strict, l’appellation de trust, que l’usage a étendue par analogie à notre premier cas. Ici une majorité d’actions de chacune des sociétés locales est déposée, contre « certificat » ou récépissé négociable, aux mains d’un conseil de trustees, composé des membres les plus puissans de l’association ; celui-ci se trouve investi de tous les pouvoirs conférés par ces titres, les actionnaires n’ayant plus droit qu’aux dividendes distribués. Tel est le système dont le Standard oil trust a donné le premier modèle. — Dans une hypothèse comme dans l’autre, usines, matériel, procédés et clientèle, tout est mis en commun sous la direction autocratique du syndicat, c’est-à-dire des administrateurs de la société ou du conseil des trustees. Le syndicat est maître absolu et irresponsable : il détermine le prix d’achat des matières et le prix de vente des produits, reçoit les commandes, fixe les quantités à fabriquer et les partage entre les divers établissemens, réglant le travail dans chacune des usines,