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toutes vertes de force pure et d’un charme que l’hiver ne fera pas passer ?

« Il n’y a pas de réponse. Mais le résumé de tout cela est que sur l’entière surface de la terre et des eaux, comme influencées par le pouvoir de l’air sous la lumière du soleil, s’est développée une série de formes changeantes dans les nuages, dans les plantes et dans les animaux et que toutes ont un certain rapport, dans leur nature, avec l’intelligence humaine qui les perçoit, et que sur cette intelligence, dans leurs aspects d’horreur ou de beauté et leurs qualités pour le bien ou le mal, s’est gravée une série de mythes ou de verbes du pouvoir formateur, que les hommes selon l’exacte passion et l’énergie de leur race ont été rendus capables de faire servir à interpréter la religion. Et ce pouvoir formateur a été confondu par toutes les nations en partie avec le souffle de l’air au moyen duquel il agit et en partie compris comme une sagesse créatrice, procédant de la Divinité suprême, mais pénétrant et inspirant toutes les intelligences qui travaillent en harmonie avec Elle. Et quels que soient les résultats intellectuels obtenus dans nos jours modernes par la méthode qui considère cette émanation seulement comme une motion ou une vibration, chaque art formateur humain jusqu’ici et les meilleurs états du bonheur et de l’ordre de l’humanité, ont reposé sur l’appréhension de son mystère (qui est certain) et de sa personnalité (qui est probable)... »

Arrivé là, le Prophète de la Beauté s’arrête. Il en a dit assez pour ceux qui aiment la Nature : il en a trop dit pour ceux qui ne l’aiment pas. Pourtant, on ne lui reprochera ni parti pris ni dogmatisme. Il n’affirme rien au delà de ce que ses yeux ont vu : il ne répète rien de plus que ce que ses oreilles ont entendu. Les croyances qui bercèrent son enfance ont fui depuis longtemps sous l’aiguillon du Doute. Il a rendu à la pensée libre l’hommage le plus éclatant. Il a, au scandale des vieilles universités et en pleine chaire d’Oxford, poursuivi de ses attaques indignées l’arbitraire des dogmes et « l’insolence de la Foi ». Il a dénoncé l’orgueil de cette Eglise « qui s’imagine que des myriades d’habitans du monde pendant quatre mille ans ont été abandonnés à l’erreur et à périr, beaucoup d’entre eux à jamais, afin que, dans la plénitude des temps, la vérité divine pût nous être prêchée suffisamment à nous-mêmes, » et raillé ces mystiques « qui se retirent de tout service de l’homme pour aller dans les cloîtres