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approuva. La loi suprême des mathématiques était contenue dans l’œuvre de Wronski, mais lui seul, à cette époque, pouvait la saluer de ce nom; aujourd’hui, il ne reste personne. Lagrange et Lacroix, chargés d’examiner le mémoire, déclarent, en termes bienveillans, qu’ils n’ont pas compris les démonstrations, et que les résultats n’ont pas l’importance que l’auteur leur attribue ; il leur est impossible de proposer à l’Académie une approbation sans réserve.

Un géomètre distingué, Abel Transon,très désireux d’admirer Wronski, et, circonstance singulière, ancien saint-simonien, comme l’était Villarceau, n’ignorant pas que Wronski prodiguait à leur doctrine l’injure et le dédain, a vivement reproché à Lagrange de n’avoir pas étudié avec plus de persévérance les démonstrations de Wronski. La formule est exacte, un géomètre illustre, Cayley, l’a démontré soixante ans plus tard; le rapport trop sévère présenté à l’Institut a pesé injustement sur toute la carrière de Wronski.

Abel Transon exagère. Si l’on a mis soixante ans à découvrir l’exactitude du développement en série, qu’il a plu à Wronski de nommer la loi suprême, c’est que, vrai ou faux, les géomètres n’y attachaient aucune importance. Ni avant, ni après le témoignage favorable de Cayley, aucun d’eux n’en a fait usage. Wronski a protesté pendant toute sa vie ; il n’en faisait pas moins du rapport de Lagrange, par une supercherie qui lui fait peu d’honneur, la preuve authentique et incontestable de son génie mathématique.

Le rapport présenté à l’Institut — Wronski l’écrivait trente ans plus tard — est un incroyable faux scientifique. Pourquoi ? Les commissaires , en termes très bienveillans, avaient traité le mémoire de Wronski d’ « Essai contenant des idées nouvelles et très générales » ; c’est là ce qui doit exciter l’indignation de toute âme honnête. Son mémoire n’est pas un essai !

Wronski, on le voit, et il n’y a pas sujet d’étonnement, est beaucoup plus sévère que Transon; en même temps, il était habile. Dans ce rapport inique, et que Transon a déclaré écrasant, Wronski a détaché une phrase et l’a reproduite sans cesse (en lui faisant subir une altération profonde) comme un témoignage solennel de son génie.

Lacroix avait écrit : « Ce qui frappe vos commissaires dans le Mémoire de M. Wronski, c’est qu’il tire de sa formule toutes