Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/58

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus sérieuses difficultés, a seulement été ébauchée dans les dernières années de son règne ; il touchait au terme de sa vie quand il rendit un firman, connu sous le nom de Tanzimat, resté inappliqué dans la plupart de ses dispositions, qui promettait à tous ses sujets indistinctement, avec la liberté de conscience, l’égalité devant la loi et les réformes destinées à mettre un terme à tous les abus.

En succédant à son père, Abdul-Azis se trouva aux prises avec Mehemet-Ali ; l’armée turque venait de subir l’éclatante défaite de Nezib. Ce désastre lui valut l’assistance de l’Europe et mit son gouvernement en contact plus direct avec les grandes puissances. Les sacrifices qu’elles s’étaient imposés pour réduire le vieux pacha à la soumission leur conféraient le droit de faire entendre à la Porte de salutaires avertissemens. Elles en usèrent pour la déterminer à poursuivre l’entière application des améliorations élaborées, avec leur concours, sous le règne précédent ; elles y procédèrent par voie de conseil et même de réprimande, offrant de mettre, à sa disposition, des hommes choisis parmi les plus compétens, des spécialistes de l’ordre administratif et financier, propres à redresser l’état social et économique de l’empire, à constituer des organismes nouveaux, nécessaires pour lui inoculer une vie nouvelle, et le mettre en mesure d’apaiser, d’une part les haines de race, de tirer, de l’autre, un profit réel des immenses ressources que recèle un pays appauvri par l’impéritie et les passions de ses gouvernans. On ne négligea rien, en somme, pour signaler à la Porte les imperfections et les lacunes d’une administration qui avait vécu dans la plus coupable inertie et s’était immobilisée dans des traditions destructives de toute existence nationale, source mortelle de sa faiblesse et de ses revers. Aucune puissance, il faut en convenir, n’a, plus que l’Angleterre, voué tous ses soins à cette tâche ingrate. On sait avec quelle louable obstination, avec quelle virulente insistance, celui de ses ambassadeurs qui a si longtemps résidé à Constantinople, a secondé les vues de son gouvernement. Lord Stratford de Redcliffe, malgré les mécomptes qui exaspéraient son irascibilité, n’a cessé de redoubler d’énergie pour obtenir l’entière exécution des réformes promises et solennellement promulguées. Il avait réussi à persuader quelques serviteurs du sultan de l’urgence d’européaniser l’empire, comme il disait, pour le rendre digne de prendre rang parmi les grands États. Rechid-Pacha, déjà connu par ses opinions libérales, fut parmi eux le plus distingué ; il le poussa au