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pourries, comme les orchidées sur les bois pourris… Fraudes bilatérales qui supposent, derrière le corrompu, le corrupteur. Or lequel des deux est le plus coupable, de celui qui corrompt ou de celui qui se laisse corrompre ? Le bon curé don Juan-Bautista Casas établit en due forme de démonstration théologique que c’est le corrupteur, le séducteur, le tentateur, don Lucifer. qui doit être brûlé le premier[1].

Et, au surplus, si le corrupteur est toujours un Cubain, le corrompu est-il toujours un Espagnol ? L’administration espagnole est-elle pour les Cubains l’école du scandale ? Est-elle si gangrenée ? sont-ils si innocens ? M. Romero Robledo, qui regrettait, étant ministre, de ne pouvoir « arracher jusqu’à la racine » la plante vénéneuse de l’administration cubaine, a complété, l’été dernier, ses déclarations en ajoutant que 80 pour 100 des employés sont des Cubains[2]. D’où l’on veut conclure, en Espagne, que Cuba s’exploite et se corrompt elle-même. — Ainsi attaquent les Cubains, ainsi ripostent les Espagnols ; ainsi du moins raisonnaient-ils pendant qu’ils raisonnaient encore : à présent ils ne s’expliquent plus qu’à coups de fusil.


III

On s’en souvient : la guerre de dix ans se termina par le pacte, la convention ou la capitulation du Zanjón, en date du 10 février 1878. « Capitulation » est le terme qui convient le mieux, puisqu’il n’y a, dans le texte, que des conditions proposées par « le peuple et la force armée du département du Centre et des groupemens partiels des autres départemens, constitués en Junte », conditions formulées dans un document signé du président seul et du seul secrétaire de la Junte, acceptées ensuite par le général Martinez Campos, commandant en chef des troupes espagnoles. Ces conditions de capitulation, proposées d’une part et acceptées de l’autre, comportaient : 1o l’organisation politique et administrative de l’île de Cuba sur le modèle de celle de Puerto Rico ; 2o l’amnistie des délits politiques, la mise en liberté des prisonniers et la grâce des déserteurs ; 3o l’émancipation des colons asiatiques et des esclaves servant dans les rangs insurgés ; 4o les

  1. D. J. B. Casas, la Guerra separatista de Cuba.
  2. Discussion sur la réponse au Discours de la couronne. Chambre des députés, séance du 14 juillet 1896.