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II

La siempre fiel isla de Cuba ! « La toujours fidèle ile de Cuba ! » — Comme cette épithète paraît ironique aujourd’hui ! Et comme elle marque l’attachement de l’Espagne à Cuba, plus et mieux que l’attachement de Cuba à l’Espagne ! Nous vivons dans un siècle ennemi de la fidélité : les princes et les peuples en ont fait l’expérience ; entre toutes les vertus malades, il n’en est pas de plus frappée que ce qu’on appelait jadis le loyalisme. La toujours fidèle île de Cuba l’a, pour son compte, totalement oublié. Depuis la tentative de Narciso López sous le gouvernement du général Concha. vers 1850, en passant par les conspirations de D. Ramon Pinto, de Estrampes, de Santa Rosa et autres, jusqu’à la fameuse guerre de dix ans, de 1868 à 1878, Cuba n’a plus connu la paix, ni l’Espagne la sécurité. Paix et sécurité compromises depuis bien longtemps, si, depuis 1810 ou 1812, l’île est travaillée sourdement et agitée, d’abord en secret, par des associations plus ou moins mystérieuses, mais toutes révolutionnaires, qui bientôt y foisonnent, car la vie là-bas est d’une monstrueuse exubérance et tout ce qui y naît, tout de suite y pullule.

La prédication des loges maçonniques des Racionales Caballeros, des Soles de Bolivar et de l’Aguila Negra, reprise en chœur par d’autres compagnons au nom et aux allures bizarres, aux intentions identiques. Anilleros, Cadenistas, et, comme partout à cette date, Carbonarios, ne tarda guère à porter ses conséquences logiques. L’exemple des soulèvemens militaires, en Espagne même, fit le reste. Des rébellions éclatèrent en 1823, en 1833, dans les troupes auxquelles des officiers politiciens avaient appris l’art des pronunciamientos et dont, à leur tour, les Cubains apprenaient l’art des insurrections. Il se fonda des « juntes patriotiques cubaines » dans les divers pays et les diverses îles, dans toutes les Amériques d’alentour, au Mexique, en Colombie, aux États-Unis. Et ce sont alors, jusqu’à la vraie guerre de dix ans, trente ou quarante années remplies d’intrigues et d’alertes, de complots avortés ou vite réprimés, de machinations et d’arrestations : à en faire la somme, il n’y a pas moins de soixante-dix à quatre-vingts ans que Cuba conspire, ou que l’on conspire à Cuba contre les autorités espagnoles et contre la souveraineté de l’Espagne.

En ce siècle presque tout entier, Cuba n’aura été fidèle qu’à ses