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habits une soubreveste comme les autres mousquetaires. Au bas de l’une de ces estampes sont gravés ces vers :


Sous cet habit de simple mousquetaire,
Ce digne petit-fils d’un des plus grands des Rois,
Dès ses plus jeunes ans s’accoutume à la guerre.
Que de peuples un jour respecteront ses lois!


L’enthousiasme s’emparait de nouveau de la vieille mademoiselle de Scudéry, et elle s’écriait dans un madrigal :


Quel est ce petit mousquetaire,
Si savant en l’art militaire,
Et plus encore en l’art de plaire ?
L’énigme n’est pas malaisé,
C’est l’Amour, sans autre mystère,
Qui pour divertir Mars s’est ainsi déguisé.


Le Roi ne fut pas seulement touché ; il jugea sans doute, et non sans raison, qu’un enfant qui montrait des dispositions aussi viriles ne pouvait rester plus longtemps aux mains des femmes. La maréchale de la Mothe-Houdancourt avait rempli son office à l’entière satisfaction de Louis XIV. Au lendemain du baptême solennel du petit prince qu’elle avait élevé, il lui avait demandé ce qu’elle préférait, de l’argent ou des présens. La maréchale, avec dignité, préféra les présens, et le Roi lui fit don d’une agrafe en diamans estimée 4 000 pistoles. Mais si bien qu’elle eût rempli sa charge, le moment était arrivé où cette charge devait prendre fin. Le duc de Bourgogne avait sept ans et un mois lorsque, le 3 septembre 1689 au soir, le Roi, rentrant de la chasse, se rendit chez la Dauphine et le fit appeler. C’était pour l’enlever aux mains de la maréchale de la Mothe-Houdancourt et le remettre entre les mains du duc de Beauvilliers qui, le 17 août précédent, avait été nommé son gouverneur. L’enfant témoigna quelque émotion. « Il eut bien de la peine à se séparer de la maréchale de la Mothe et lui témoigna beaucoup d’amitié. » Mais il se soumit, et, ajoutent les Mémoires de Sourches, « commença dès le soir à recevoir d’assez bonne grâce les instructions de M. l’abbé de Fénelon. » C’est sous la double autorité de Beauvilliers et de Fénelon que, dans un prochain article, nous le retrouverons.


HAUSSONVILLE.