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cheval, comme chef du convoi. On eût dit que, par la pompe de la cérémonie, on voulait faire oublier le délaissement où elle avait vécu. Son corps fut porté solennellement à Saint-Denis, et son cœur au Val-de-Grace. L’enterrement eut lieu le 1er mai. Le 9 mai, Monseigneur alla courre le loup.

La tombe de la Dauphine a subi les mêmes outrages que toutes les tombes royales de Saint-Denis. Nous ne saurions dire quelle inscription y fut gravée. Mais si l’étiquette lui avait laissé le droit de dicter son épitaphe, elle aurait peut-être choisi celle que, dans les sombres caveaux de l’Escurial, on peut lire sur la tombe d’une infante d’Espagne morte à la fleur de la jeunesse : Mori lucrum. La mort m’est un gain.


IV

Lorsqu’il perdit sa mère, le duc de Bourgogne n’avait pas huit ans. Son jeune âge ne le dispensa pas de figurer aux cérémonies funèbres et de venir jeter de l’eau bénite sur le cercueil. Cette perte ne le laissa point insensible. A quelques mois de là, comme on lui donnait lecture d’une oraison funèbre composée en l’honneur de la Dauphine, on fut étonné de le voir tout à coup glisser sous la table. On crut qu’il s’était endormi, mais en le relevant on s’aperçut que l’effort qu’il s’était imposé pour retenir ses sanglots l’avait fait se trouver mal. Durant les années qu’il passa sous le gouvernement de la maréchale de la Mothe, on prit soin, si jeune qu’il fût, de l’accoutumer peu à peu à cette vie de représentation qui dans les pays monarchiques faisait et fait encore partie du devoir royal. A l’âge de trois ans, il dîna pour la première fois à table entre le Roi et Monseigneur. A l’âge de cinq, on lui mit des chausses, et Dangeau ne manque pas de mentionner à sa date ce fait important. A l’âge de sept ans, il occupa pour la première fois un fauteuil à la droite de la Dauphine, lorsque celle-ci reçut solennellement la visite de la reine d’Angleterre, réfugiée en France. Quelques mois après, il assistait avec le Roi et Monseigneur aux cérémonies solennelles de la semaine sainte, où figurait la famille royale, c’est-à-dire à la Cène et au Lavement des pieds[1].

Des parades de cour ou des cérémonies pieuses n’étaient cependant pas les seuls délassemens qu’on laissât goûter à son enfance

  1. Dangeau, passim, année 1685-86-87.