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duchesse de Montausier, n’était pas un bel esprit comme l’était la célèbre Julie, l’héroïne de la guirlande. Mais elle possédait mieux les qualités de l’emploi : « C’est, dit Mlle de Montpensier dans ses Mémoires, une femme de bonne mine, une prestance de gouvernante, propre à entretenir les nourrices, les femmes de chambre, à compter les bouillons qu’il faut pour donner la cuisson nécessaire à la bouillie. » Ce qui valait mieux encore, c’était une femme de bien sur laquelle, bien qu’elle fût fort belle, la médisance ne s’était jamais exercée. Elle savait se faire respecter. Un jour que le Dauphin, son premier élève, promenait ses mains sur la collerette dont elle était parée, et disait à un des courtisans qui étaient présens d’en faire autant : « Comment, Monseigneur, répliqua celle-ci, il n’y a que vous en France qui puissiez prendre cette liberté. Le Roi ne la prendrait pas[1]. » Elle avait veillé avec sollicitude sur l’éducation du Dauphin jusqu’au jour où il passa aux mains du duc de Montausier. Elle prodigua les mêmes soins aux autres enfans de Louis XIV qui moururent tous en bas âge. La disparition du dernier, le duc d’Anjou, mort en 1672, avait rendu ses fonctions purement honorifiques. Mais elle ne les avait pas moins conservées, et lors de la naissance du duc de Bourgogne elle n’eut qu’à les reprendre sans qu’il fût besoin d’une nomination nouvelle. Elle devait être assistée par Mme de Venelle, en qualité de sous-gouvernante[2], et par Mme Pelard, comme première femme de chambre.

L’éducation d’un enfant en bas âge, fût-il un enfant de France, ne peut offrir aucune particularité bien saillante. C’est surtout, comme le disait assez trivialement Mlle de Montpensier, une question de nourrice et de bouillie. De ces soins purement matériels, la maréchale de la Mothe-Houdancourt paraît s’être acquittée avec beaucoup de diligence. « C’était, dit Saint-Simon, la

  1. Journal de Dubois, cité par M. Charles Dreyss dans son Introduction aux Mémoires de Louis XIV.
  2. On lit dans les Mémoires de Sourches à la date du 22 novembre 1687 : « Mme de Nevet, sons-gouvernante de M. le duc de Bourgogne, mourut subitement dans le château de Versailles ; mais son grand âge fit que peu de gens furent étonnés de sa mort. » Sourches ou son éditeur ont assurément commis ici une erreur de nom, car la sous-gouvernante était bien Mme de Venelle. Les nombreux lecteurs du Roman du Grand Roi, par Lucien Perey, n’ont pas oublié cette Mme de Venelle que Mazarin avait placée auprès de ses nièces et qui entretenait avec lui une active correspondance. Il semble bien que ce soit cette même Mme de Venelle que Louis XIV, ayant expérimenté sa vigilance, aurait placée ensuite auprès de son petit-fils, comme il l’avait déjà placée auprès de ses filles, mortes en bas âge. Dangeau et Saint-Simon sont muets à son sujet.