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fille d’une princesse de Savoie, et, par sa grand’mère, la duchesse Christine, descendait directement de Henri IV au même degré que son époux, l’ambassadeur de Savoie, le marquis de Ferrero, avait figuré sur un transparent l’arbre généalogique des deux maisons de France et de Bavière surmonté de ce quatrain :


Dans le commun excès de joye,
Où les Français sont aujourd’hui,
Le Trône voit que la Savoye
Lui rend le sang qu’elle a reçu de lui.


Mais plus brillante encore était l’illumination de l’hôtel qui appartenait au duc de Saint-Simon, le père de l’auteur des Mémoires. « On l’avoit illuminé, dit le Mercure, jusqu’au haut des cheminées où les mots de : Vive le Roy étoient exécutés en lettres de feu. Ainsi M. le duc de Saint-Simon n’a rien oublié pour donner des marques du zèle qu’il a toujours fait paroître pour la maison royale. » Les boutiquiers du Pont-Neuf se cotisaient pour donner un bal dans une de leurs boutiques superbement aménagée à cet effet. Il y avait réjouissance à la Sorbonne, dans tous les collèges de Jésuites, chez les chanoines abbés de Saint-Victor, chez les carmes des Billettes et jusque dans les communautés de femmes. « Les filles de la Conception, dit la Gazette de France, ayant fait des prières un mois avant l’accouchement pour qu’il fût heureux, chantèrent un Te Deum en communauté, et illuminèrent pendant trois jours… L’abbesse de Jouarre, rapporte également la Gazette, a été la première de la province à faire paraître sa joie. »

Tonneaux défoncés, illuminations, feux d’artifice, étaient la forme ordinaire que prenait la joie publique. Mais, dans la circonstance, l’enthousiasme du peuple de Paris se traduisit par une manifestation plus touchante : celle d’un véritable pèlerinage à Versailles, qu’il entreprenait dans l’espoir d’apercevoir un instant le petit duc de Bourgogne. Toute l’après-midi une foule énorme stationnait dans la cour du château. « La maréchale de la Mothe-Houdancourt, raconte le Mercure, voulut bien se donner la peine de montrer le prince à tout le monde, quand elle crut pouvoir le faire sans qu’il en reçût aucune incommodité. Elle s’attira par là beaucoup de louanges. Ceux qui n’eurent pas ce bonheur ne laissèrent pas d’avoir quelque sorte de satisfaction à voir seulement les fenêtres de son appartement. »

De même que les beaux esprits avaient célébré en bouts rimés