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demandé à lui adresser leurs félicitations. La réception fut fort solennelle. Le Roi était assis sur son trône d’argent. A sa droite, étaient le duc de Bouillon, grand chambellan, le duc de Créqui, premier gentilhomme de la chambre, le prince de Marsillac; à sa gauche, le duc d’Aumont, le duc de Saint-Aignan, et le marquis de Gesyres. Le duc de Luxembourg, capitaine des gardes de quartier, allait recevoir les ambassadeurs à la porte de la salle des gardes. Le Roi écouta leur compliment avec la gravité qui lui était coutumière, et leur répondit avec une grande affabilité. Les ambassadeurs se transportèrent ensuite chez Monseigneur, chez Monsieur, et enfin chez le duc de Bourgogne auquel ils débitèrent le même compliment. « Madame la maréchale de la Mothe-Houdancourt, ajoute gravement le Mercure de France, répondit au nom du jeune prince. »

Pendant que ces réceptions officielles se passaient à Versailles, Paris était en liesse. L’heureuse nouvelle y était arrivée si rapidement que plusieurs de ceux qui, partis des premiers, croyaient avoir le plaisir de l’annoncer, furent étonnés de trouver déjà la ville en réjouissance. Les boutiques se fermaient, et tout le monde se répandait dans la rue où l’on s’abordait et s’embrassait sans se connaître. Des feux de joie s’allumaient sur la voie publique. Des tonneaux étaient défoncés pour que chacun pût s’abreuver à son aise, et, à la fontaine située sur la place de la Grève, le vin, par ordre du corps de ville, coula pendant plusieurs jours. Les réjouissances durèrent toute une semaine et prirent diverses formes. Pendant que, sur l’ordre du Roi, un Te Deum était chanté à Notre-Dame, et qu’une grosse cloche, nouvellement installée, faisait entendre sa voix pour la première fois, les comédiens Français donnaient, en représentation gratuite, le Bourgeois gentilhomme, et les comédiens Italiens représentaient également un opéra. Des fusées et des feux d’artifice étaient tirés toutes les nuits. L’un de ces feux d’artifice figurait une statue de l’Espérance, et ce distique apparaissait sur le socle, en lettres de feu :


Déjà depuis longtemps, par cent succès heureux.
La Fortune répond aux projets de la France.
Mais aujourd’hui la propice Espérance,
D’un bonheur éternel, vient assurer nos vœux.


Toutes les maisons particulières étaient illuminées, et chacun rivalisait d’ingéniosité dans le décor. Comme la Dauphine était