Page:Revue des Deux Mondes - 1897 - tome 139.djvu/538

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venait souvent voir son enfant, elle lui conta la chose. Louis XIII fit faire des observations au capitaine des mousquetaires, et lui recommanda de mieux surveiller ses hommes. A quelque temps de là, la nourrice commit l’imprudence de descendre à la porte du château pour causer avec son mari qui lui avait demandé rendez-vous. Le mousquetaire qui montait la garde la dénonça à son tour, et elle fut immédiatement renvoyée.


II

Toutes les précautions étaient donc prises, l’accoucheur désigné, la nourrice installée, lorsque le 4 août 1682, après le dîner, la Dauphine commença de ressentir les premières douleurs. Elle en fit part à la Reine en la priant de n’en rien dire. Mais, les douleurs ayant redoublé vers une heure après minuit, le bruit ne tarda pas à s’en répandre, et dès ce moment une grande agitation régna dans le château de Versailles. L’accouchement des princesses qui étaient dans la ligne directe ne se faisait point sans apparat ni étiquette. Une tradition, qui remontait aux temps les plus anciens de la monarchie, et qui s’est conservée jusqu’à nos jours, leur imposait la pénible nécessité d’accoucher en quelque sorte en public. C’était une précaution prise contre la supercherie et la supposition d’enfant. Le cérémonial de la Cour désignait les personnes qui avaient le droit d’assister à la naissance de l’héritier du trône : c’étaient d’abord tous les princes et princesses du sang, puis les dignitaires de certaines grandes charges de cour. Mais, en plus de ceux dont c’était le droit et le devoir de se trouver là au moment précis, il n’y avait courtisan qui ne fût soucieux d’apprendre des premiers la nouvelle, et d’être vu du Roi dans une conjoncture aussi importante. Ce fut durant la nuit un mouvement continu de toute la Cour vers les appartemens de la Dauphine qui étaient situés à l’extrémité de l’aile du château, vis-à-vis la pièce d’eau des Suisses, dans le pavillon de la surintendante de la maison de la Reine[1]. Ce fut également, pendant cette même nuit, sur la route de Versailles à Paris, un va-et-vient de courriers qui partaient, de personnes prévenues qui arrivaient à la hâte. La cour du palais était tout éclairée de flambeaux. Seul le

  1. Leroy, Curiosités historiques, p. 39. Ce volume, auquel nous empruntons plusieurs indications, contient en outre, sur certaines péripéties de l’accouchement de la Dauphine, des détails dans lesquels nous ne pouvons entrer ici.