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relations directes avec Clément; il avait été frappé de son sang-froid et de son habileté. Ce souvenir lui revint sans doute à l’esprit, car, sans prendre conseil, il décida que le chirurgien qui avait accouché son éclatante maîtresse accoucherait aussi sa discrète belle-fille. Clément fut informé de la décision royale, et reçut l’ordre, à partir du huitième mois de la grossesse, de venir s’établir dans les appartemens du château.

Une autre affaire presque aussi importante était le choix d’une nourrice. Si les enfans des familles les plus riches étaient souvent envoyés à la campagne et abandonnés à des nourrices de rencontre, il n’en était pas de même pour un fils ou petit-fils de roi. La désignation de celle qui devait allaiter le royal héritier était soumise à certaines règles qu’un long usage avait consacrées. En plus des signes extérieurs de la bonne santé, on exigeait qu’elle eût les cheveux noirs ou d’un châtain brun, la peau blanche, les dents belles, qu’elle ne sentit point mauvais, qu’elle n’eût point d’accent trop prononcé, qu’elle fût gracieuse en son parler, gaie, de bonne humeur, ayant facilement le mot pour rire, et fût par-dessus tout de bonne vie et mœurs. Pour trouver une nourrice qui satisfit à toutes ces conditions, voici comment on procéda. Parmi celles qui s’étaient offertes (le nombre en était grand), on choisit les quatre qui semblaient le mieux remplir les conditions indiquées, et le premier médecin du Roi envoya dans les villages où elles demeuraient un homme de confiance qui fit une enquête. Il s’assura auprès des curés qu’elles fréquentaient les sacremens, auprès des médecins qu’il n’y avait dans leurs familles aucune maladie héréditaire, auprès des voisins qu’elles vivaient bien avec leurs maris et jouissaient d’une bonne réputation. Cette enquête terminée à la gloire des quatre postulantes, on les fit venir à Versailles, et on les installa chez la gouvernante des nourrices, chacune avec son enfant, pour qu’au dernier moment on pût choisir celle qui conviendrait le mieux, et renvoyer les autres. Durant cette période, comme au reste pendant toute la durée de leur nourriture, elles étaient soumises à une surveillance étroite. Toute visite leur était rigoureusement interdite, surtout celle du mari. Il était même arrivé à la nourrice de Louis XIV une assez plaisante aventure. Elle avait remarqué, de la fenêtre de la chambre où elle était enfermée au château de Saint-Germain, que les mousquetaires, dont la caserne était en face, entretenaient des intrigues avec les dames de la ville. Pour divertir Louis XIII, qui