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même temps quelque chose de si engageant et de si honnête dans tout ce qu’elle fait qu’on ne l’approche jamais sans en estre charmé. »

A travers ces éloges, qui étaient dus à toute princesse étrangère entrant dans la famille royale, il apparaît bien que la nouvelle Dauphine était plutôt laide, puisque le Mercure ne fait l’éloge que de ses yeux, de sa taille et de son teint. Mais elle avait cette dignité et cette bonne grâce que la France a souvent retrouvées depuis chez des princesses d’origine allemande, et pendant les premières années qui suivirent son mariage, elle ne laissa pas d’être assez en faveur à Versailles. Il y a une chose cependant que le Mercure ne dit pas et qu’il ne pouvait pas savoir. C’est que la jeune Dauphine était d’une santé délicate. On ne tarda pas à s’en apercevoir et à s’en inquiéter. Près de deux ans s’étaient écoulés depuis son mariage sans qu’elle eût donné aucune espérance de postérité. Si la Dauphine ne devait jamais avoir d’enfans, et si quelque accident inopiné enlevait Monseigneur, c’était le trône passant à une branche collatérale dont le chef, Monsieur, frère du roi, était peu aimé et peu estimé. Ces questions-là n’étaient point tenues alors pour indifférentes. Si étroite était encore, dans cette période unique de gloire et de prospérité, l’union de la dynastie et de la nation, que chacun s’intéressait à ce qui se passait dans la famille royale comme s’il se fût agi de la sienne. Aussi l’annonce officielle de la grossesse de la Dauphine, qui fut proclamée au mois de décembre 1681, devint-elle l’occasion d’une joie générale. Cette joie se traduisit principalement par des chansons et des sonnets. Le Mercure de France avait, dans son numéro de novembre, proposé à ses lecteurs des bouts-rimés à remplir. Le plus grand nombre de ceux qui s’y appliquèrent choisirent pour sujet l’heureux événement qui faisait alors le sujet de toutes les conversations, et leurs élucubrations poétiques remplissent le numéro de décembre et les numéros suivans. Dans ce fatras nous choisirons la pièce suivante dont nous ne citerons que le début :


Peuples, venez, dansant au son du flageolet,
Voir l’effet d’un amour conforme au Décalogue.
Bénissez l’heureux flanc qui porte un roitelet,
Bergers, en son honneur entonnez une églogue.

Pour neuf mois de prison l’aimable Châtelet.
Tout en parle, avocat, écolier, pédagogue,